Produit par Martin Scorsese, Port Authority est le premier long métrage mis en scène par l'auteure américaine Danielle Lessovitz, qui a par le passé collaboré au scénario de Mobile Homes (présenté en 2017 à la Quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes). La réalisatrice confie : "Mon travail sur Mobile Homes m’a appris à ne pas avoir peur de l’histoire. J’ai appris à laisser l’histoire prendre forme, sans trop essayer de la contrôler. En termes de savoir-faire, plus vous écrivez, meilleur vous devenez. L’expérience permet de s’améliorer, d’aller chercher plus loin, et de gagner en précision."
Il y a environ dix ans, le groupe de folk psychédélique Antony and the Johnsons a interprété une chanson de Leonard Cohen intitulée « If it be your Will ». Cette idée d’une personne qui s’abandonne à un amour romantique indéfini et noble a profondément marqué Danielle Lessovitz. La cinéaste se rappelle :
"Peu de temps après, j’ai déménagé à New York pour y faire une école de cinéma, et j’ai fini par accepter mon homosexualité. À la même époque, j’ai été confrontée au suicide de mon père, ce qui était infiniment douloureux. Peu de temps après, ma petite amie et moi avons été invitées à un « Kiki ball », un ballroom de voguing LGBT. J’ai été fascinée par les danseurs, par leur façon de s’exprimer, avec énormément de force, mais aussi de vulnérabilité. Cela m’a vraiment secouée. C’était comme si leur esprit avait transcendé leur corps. J’ai découvert ces familles qui se sont choisies. J’ai trouvé ça très puissant."
Pour Danielle Lessovitz, Port Authority (le principal terminal de bus de Manhattan) est un symbole de New York, un lieu sans racines, où des gens de différentes cultures se croisent. "C’est aussi un lieu de rassemblement pour la communauté LGBTQ. Les gens y viennent pour essayer d’avoir une vie meilleure", précise-t-elle.
La famille est un thème central du film : Paul est éloigné de la sienne tandis que celle de Wye est très soudée. Danielle Lessovitz explique : "Nous voyons souvent des histoires de personnes issues d’une culture minoritaire qui souhaitent intégrer la culture dominante. Moi je voulais montrer le contraire. La culture des salles de ballroom est une réponse magnifique à la culture dominante aux États-Unis. Cette culture protège de la marginalisation, mais aussi de l’anonymat. Aux États-Unis, si vous ne venez pas d’une famille qui vous soutienne, comment établissez-vous une connexion avec d’autres, comment se crée votre identité ?"
Le premier lien de Danielle Lessovitz avec la culture du ballroom a été le documentaire Paris is Burning. Ensuite, la cinéaste a commencé à fréquenter des gens se rattachant à ce milieu. "Des relations se sont développées de façon organique. Nombre d’entre eux sont désormais des amis. Ils ont beaucoup de talent, dans les domaines de la mode et de la musique et nous avons souvent travaillé ensemble sur des vidéos", se souvient-elle.
Danielle Lessovitz a rencontré Leyna Bloom, qui est aujourd’hui une icône de la culture LGBTQ, via son directeur de casting, Damian Bao qui est très impliqué dans la communauté et connaît Leyna depuis longtemps. La réalisatrice se souvient :
"J’ai d’abord parlé avec elle – elle était à l’étranger – puis elle est venue à une audition et ce fut une évidence. Je lui donnais la réplique en jouant le rôle de Paul et le fait d’être avec elle à cet instant précis était très puissant. Je cherchais une personne avec qui je puisse collaborer mais aussi quelqu’un qui pourrait assumer le rôle et le façonner, et c’est exactement ce qu’elle a fait. On a travaillé sur les dialogues ensemble, elle a improvisé dans certaines scènes. Son histoire est assez proche de celle de Paul, en ce qui concerne sa propre arrivée à New York et le mal qu’elle a eu à trouver un logement stable. Donc elle comprenait bien les deux personnages."