« Les Invisibles », ne serait-ce que par ce qu’il met en scène, par ce qu’il nous démontre, est déjà un film essentiel et nécessaire !
Mais si on pense à toutes ces femmes qui jouent leur propre rôle, dans la vie comme dans cette réalisation de Louis-Julien Petit, on ne peut qu’être séduit par la franche sincérité de la démarche juste et courageuse de ce cinéaste décidément bien inspiré, surtout dans cette époque de contestation plus que justifiée !
On découvre ainsi de sublimes portraits, toujours forcément vrais, désespérés, mais aussi cocasses et d’une grande lucidité, avec comme ultime ressource une énergie cachée et insoupçonnée...
Si quelquefois ces témoignages font sourire (jaune !) par une certaine autodérision, la comédie attendue, laisse plus souvent place au drame évidemment, en faisant apparaître une souffrance et une détresse immenses, totalement dévastatrices, ce dont personne n’est jamais à l’abri de connaître !
Une « comédie » qui ici ne triche pas, enfin montrée sans détour, sans concession, sans faux-semblants d’aucune sorte !
C’est souvent bouleversant, joué avec une infinie pudeur et beaucoup de délicatesse, dont de très beaux moments intenses et poignants, nous délivrent une très grande émotion qui nous atteint là où on ne s’y attend pas !
A travers la vie de ces femmes mises au rebut de la société, la démonstration de Louis-Julien Petit, est plus que claire et limpide, on va ici droit au but...
Si l’on comprend toutes les difficultés de ces travailleurs sociaux, on comprend aussi très bien les limites de leur mission, ou tout au moins l’aspect compliqué de savoir où et quand s’arrêter, tout en respectant l’autre dans ses propres volontés !
À ce titre, on est également surpris de la fougue et de l’investissement de ces actrices dans leur composition de personnages complexes, à commencer par Audrey Lamy, mais aussi Corinne Masiero, ou encore Noémie Lvovsky.
Toutes les trois, avec une approche bien spécifique liée à leur caractère et à leur propre vécu dans cette histoire, correspondent très justement à des profils différents, qu’elles soient aidantes ou éducatrices, bénévoles ou professionnelles...
Toute la problématique de l’hébergement, de la précarité de ces installations (si elles existent !), des combines à trouver pour le sort de chacune de ces femmes, est franchement incroyablement mise en évidence, en dénonçant ainsi plus d’un réel dysfonctionnement de nos institutions !
Tout comme l’est aussi le merveilleux travail de l’estime de soi, qui passe par le fait de mutualiser les compétences de chacune ainsi que par la mise en valeur de ses propres atouts intellectuels et... physiques, évidemment !
Quelle sensibilité, quelle féminité, que d’images touchantes qui nous remuent au plus profond, alors que l’on voit comme par magie une transformation profonde s’opérer, telle une véritable renaissance pleine d’espoir !
Et si on prend en compte tous les moments de découragement et de doute, dont Audrey Lamy en livre d’ailleurs un remarquable exemple dans une scène à faire frémir, on est comblé !
Du cinéma qui n’est justement pas du cinéma, celui qui abandonne les dorures et les paillettes pour entrer de plein fouet avec une dure et vraie réalité, et donc un superbe et vibrant hommage à ces « invisibles » de notre société qui préfère se tourner vers le profit.
Et par là même un hommage également à toutes celles et ceux qui les accompagnent dans l’ombre, en faisant un travail remarquable, dénué de tout intérêt vil, égoïste et lucratif !
Franchement bravo pour ce film social important et encore trop rare, un véritable cri d’alarme indispensable, que bon nombre devraient voir pour se rendre compte de ce que certain(e)s oublié(e)s endurent, pendant que d’autres n’en ont jamais assez et en veulent toujours plus !
De quoi se battre vraiment, encore et encore, pour changer enfin ce monde inhumain, hypocrite et injuste...