A l'origine de cette volonté qu'a eue Gilles Perret de suivre Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle pendant trois mois, se situe une rencontre marquante. Le réalisateur ne connaissait pas personnellement cet homme politique avant qu'il ne fasse son interview pour les besoins du film Les Jours heureux et qu’il vienne voir La Sociale. Il se rappelle :
"J’ai tout de suite été frappé par sa personnalité et le ton très direct qu’il a donné à nos discussions. C’est un affectif. Dès les premiers échanges, on sent qu’on a affaire à quelqu’un qu’on peut aimer ou détester, mais qui ne laisse surtout pas indifférent. Et, en ce sens, c’est un vrai personnage de cinéma. Par ailleurs, j’ai toujours été un passionné de politique et avoir la possibilité de me glisser à l’intérieur d’une campagne électorale, c’était un rêve qui trouvait là l’occasion de se réaliser."
Pour tenter de convaincre Jean-Luc Mélenchon d'être filmé à tout instant au moment de la campagne, Gilles Perret a donné rendez-vous à l'homme politique un matin dans un bistrot proche de chez lui. Le cinéaste lui a alors fait part de sa vision du tournage : être partout avec lui, ne pas rester à la porte comme les journalistes qui s’apprêtaient à le suivre. Gilles Perret raconte :
"J’ai précisé que je travaillerais seul, au plus proche, pour être vraiment dans l’intimité de sa campagne. Pas facile pour lui d’accepter de se faire filmer de cette façon à un moment où tout est exacerbé et où les enjeux sont énormes. Il fallait une confiance réciproque et un respect mutuel. Il a commencé par me lister tout ce qui allait mal se passer : les complications qui naîtraient, sa difficulté présumée à me consacrer du temps, son caractère, etc. Devant mon indifférence face à ces faux problèmes, il a fini par me dire : « Puisque c’est toi, d’accord ! » — mes films et mon point de vue assumé semblaient lui convenir."
Gilles Perret et Jean-Luc Mélenchon ont au départ convenu que la vie privée du second ne serait jamais abordée dans le film. De même, le réalisateur ne devait pas non plus entraver dans son travail et ses moments de réflexion. "Nous étions convenus que je passerais par Sophia Chikirou, sa conseillère en communication, pour savoir si je pouvais ou non venir le filmer. Mais, très rapidement, nous avons eu un rapport beaucoup plus direct, et j’ai pu être présent, sans filtre, à tous les moments importants de cette campagne", précise-t-il.
Gilles Perret a réalisé 12 documentaires. Ses films ont pour lien ce pays qui est le sien, les Alpes. À s’attarder chez ses voisins de vallée, il aborde la réalité du monde politique, économique et social. Partir du local pour raconter le global. C’est ce regard singulier qui a fait le succès de ses derniers films sortis en salle comme Ma mondialisation, Walter, retour en résistance, De mémoires d'ouvriers, Les Jours heureux, ou en 2016 La Sociale.
Malgré le rythme très soutenu de la campagne, il se dégage du film une impression de relative sérénité. Ainsi, lorsque la question de savoir si Jean-Luc Mélenchon s'est énervé pendant la campagne avec son équipe, Gilles Perret répond par la négative. Le metteur en scène explique :
"Je suis désolé de décevoir mes interlocuteurs, mais dès que je suis passé de l’autre côté de la barrière médiatique, j’ai eu le sentiment d’avoir affaire à une équipe incroyablement soudée et sereine. Les seuls moments de tension que j’ai filmés sont tous dans le film. Peut-être cette sérénité s’explique t-elle par la dynamique qui a toujours été bonne durant ces trois mois, et parce que les sondages n’ont cessé de monter : c’était propice à l’instauration d’une bonne ambiance. Jean-Luc Mélenchon disait lui-même que c’était la campagne la plus tranquille qu’il ait eu à mener."