Qui aurait cru que le cinéma belge pouvait concurrencer le cinéma américain ou asiatique sur le terrain du film de gangsters musclé? « Tueurs » le prouve allègrement même s’il n’atteint pas la perfection de certaines des œuvres phares dont ces pays ont accouché telles que « Triple 9 » pour le pays de l’Oncle Sam ou « Sans pitié » pour le cinéma d’extrême orient, si l’on ne cite que des long-métrages très récents . En effet, il manque peut-être à cet essai venant du plat pays de l’ampleur et du coffre. Le film sacrifie souvent la profondeur psychologique des personnages et le développement de son intrigue à une efficacité qui ne donne pas une seule minute de répit au spectateur. Les différents protagonistes de l’histoire ne sont que des pièces sur un échiquier destinées à faire avancer l’intrigue. Cependant, bien que peu creusés, ils sont bien incarnés par une troupe d’acteurs chevronnés et investis. De la même manière, l’intrigue est convaincante et concise mais aurait pu avoir des ramifications plus étendues de manière à être plus fournie.
Si on pourrait donc reprocher au long-métrage d’être parfois trop court en ne s’embarrassant pas de digressions sur le contexte de l’histoire ou de détails musclant l’intrigue et le parcours de ses personnages, on ne peut lui retirer son rythme à cent à l’heure et le fait que l’on ne s’ennuie pas une seule seconde. Le sens du montage ici est un cas d’école car pas une scène n’est de trop et on ne peut pas dire non plus qu’il y a des trous, juste que le scénario aurait pu être plus étoffé. On trouve néanmoins intéressante l’idée de mêler fiction et réalité en liant ce qui se passe dans « Tueurs » à l’histoire vraie des tueurs fous du Brabant qui avait ensanglanté la Belgique au début des années 80. Beaucoup de théories avaient émergé face à l’impuissance de la police et du pouvoir politique à l’époque. Le scénario du film propose de donner une réponse intéressante à cette affaire non résolue. Cela amène un peu d’originalité dans une intrigue mécanique et classique mais bien troussée et parfaitement maîtrisée.
Mais là où ce polar musclé, très violent et qui aime se parer de réalisme surprend le plus c’est sur le terrain de l’action pure et dure. Le duo de réalisateurs François Troukens et Jean-François Hensgens connaît parfaitement ses classiques et nous offre des scènes de braquages, de courses-poursuites et de règlements de compte à faire pâlir bon nombre d’essais français dans le genre. Olivier Marchal n’a qu’à bien se tenir! Ces séquences d’action sont nombreuses, parfaitement lisibles et orchestrées de main de maître avec une photographie travaillée donnant à « Tueurs » une esthétique de film à gros budget. C’est tendu du début à la fin, on nous réserve quelques rebondissements prévisibles face à d’autres plus surprenants et tout est fait pour que le spectateur prenne son pied devant un film sérieux, brutal, mouvementé et pourvu d’un haut degré de testostérone. Une bonne surprise qui montre la naissance d’un cinéaste au sens de l’image aiguisé pour le genre et porté par un impeccable trio Gourmet/Lanners/Azabal dans des rôles à contre-emploi.