Il vient de se passer avec le film de Sophie Fillière quelque chose qui n’arrive presque jamais : je suis complètement passé à côté de « La Belle et la Belle », mais alors complètement ! J’ai même eu envie de quitter la salle en milieu de séance, ce que je ne fais jamais. Bon, je suis restée jusqu’au bout en espérant comprendre sur le fil quel était l’intérêt ou et but de ce film, mais sans succès. Pourtant, le point de départ du film, aussi improbable et surréaliste qu’il soit, aurait pu être prometteur et j’aurais pu faire fi de son côté étrange, sans problème. Mais à mes yeux le film ne fonctionne pas, j’ai perdu du temps à essayer de comprendre le « code couleur » des deux personnages : l’une s’habille en bleu, l’autre en rouge et plus le film avance, plus les deux prennent des touches de couleur de l’autre. J’ai focalisé là dessus en essayant de comprendre le sens de cette idée, pas forcément mauvais d’ailleurs, mais ça tombe un peu à plat. Sophie Fillière livre un film court, à peine plus de 90 minutes, mais qui ne trouve jamais son rythme et finit par paraitre interminable, surtout quand on n’a pas grand-chose à quoi se raccrocher ; la réalisation : conventionnelle, la musique : sans relief, le montage : linéaire, la photographie… Si là d’accord, les décors sont plutôt chouettes, la ville de Lyon est filmée avec une vraie tendresse (et elle parait très belle à l’écran !) et la dernière partie, dans les Alpes, laisse la place à des paysages de montagne magnifiques. Mais bon, c’est quand même un peu léger, les décors ! Le casting aussi est plutôt intéressant, et je ne me lasse jamais de voir Sandrine Kiberlain à l’écran, avec son jeu tout en subtilité et son humour un peu décalé. Melvil Poupaud a un rôle un peu bizarre, qu’on a du mal à cerner, qu’on a du mal à comprendre et surtout qui met un peu mal à l’aise : cet homme qui couche avec les deux Margaux, sans savoir mais en sachant quand même un peu qu’il s’agit de la même personne, c’est bizarre. Et puis, Agathe Bonitzer ne m’a pas convaincu dans le rôle de Margaux 20 ans, j’ai trouvé son jeu un peu atone, et la superficialité de son rôle n’aide pas. En fait, le personnage de Marc met mal à l’aise et celui de Margaux 20 ans à tendance à exaspérer. Mais les acteurs ne sont pas seuls en cause, c’est le scénario sui est le premier responsable de ce mini-naufrage qu’est « Le Belle et la Belle ». Ce n’est pas le tout d’avoir une bonne idée de départ, il faut l’amener quelque part, il faut qu’on puisse comprendre l’intérêt de cette histoire, son sens. C’est une femme qui se retrouve à 40 ans à un carrefour de sa vie et qui espère retrouver les illusions dont elle était pétrie à 20 ans, qui espère que cette Margaux de 20 ans lui rappellera l’essentiel. Et cette Margaux de 20 ans, commence –t-elle à prendre un peu de plomb dans la tête au contact de celle qu’elle est devenue.
Et si tout ça n’était que dans leur tête ? C’est une piste effleurée à un moment, jamais exploitée…
Non vraiment, même avec le recul cette histoire, menée comme elle l’est, ne mène nulle part et ce n’est pas la fin du film qui va lui apporter ce sens que l’on cherche désespérément : elle est abrupte et ne dénoue rien. Et je passe pudiquement sur les dialogues, parfois carrément surréalistes « Tu peux boire dans mon verre je n’ai pas craché dedans… Tu boirais mes crachats ? Oui, et toi, tu boirais mes crachats ? ». Le film de Sophie Fillière est un condensé de ce que le cinéma peut faire pour tenir éloigner le public des salles. Je sais que c’est terriblement sévère de dire cela, c’est peut-être même un peu injuste, mais on dirait presque une caricature de film français dans certaines scènes, avec ses silences, ces dialogues improbables et ses personnages sans texture. Et puis il parait que c’est aussi une comédie ? Je cherche encore les traits d’humour qui étaient censés y être. Je l’ai dit, je suis complètement passé à côté de ce film qui, selon moi, passe à côté d’un sujet certes étrange mais audacieux. Il ne suffit pas de mettre face à face une femme à deux âges charnière de leur vie, il faut savoir quoi leur faire dire ou faire. Le film ne met jamais à l’aise, on a toujours une impression désagréable en le regardant, Margaux de retrouve devant elle-même et elle ne se pose aucune question, cela semble acceptable, normal, elles ne se posent ni l’une ni l’autre de question sur leur santé mentale respectives, d’ailleurs elles ne se posent pas vraiment de questions en fait, et c’est aussi cela qui rend le film bancal ! Kiberlain, malgré toute l’admiration que j’ai pour elle, ne peut pas à elle seule sauver « La Belle et la Belle » de l’ennui.