Après avoir clôturé son "ère américain", Quentin Dupieux était arrivé avec son précédent film, Réalité, au bout d'une logique. Ayant poussé l'absurde et le non-sens à son paroxysme, le cinéaste français ne pouvait plus penser ses films de la même façon et se devait donc de trouver une façon de ce renouveler. Là est le principal enjeux de Au poste ! où Dupieux retourne en France avec un de ses films les plus courts mais aussi probablement un de ses plus écrits. Moins touffu et plus resserré que ces précédentes œuvres, il offre avec ce nouveau film une parfaite porte d'entrée à son cinéma pour les néophytes même si il risque de laisser ses fans un peu sur leur faim.
Se passant sur une nuit et consistant à un dialogue en huit clos, Au poste ! se voit de prime abord assez sage. Plus ancré dans le réel, l'absurde se fait plus fugace même si il monte crescendo jusqu'à un twist final qui montre qu'on se trouve toujours dans le cinéma du non-sens propre à Dupieux, renvoyant même un peu à son premier film, Nonfilm. Néanmoins l'oeuvre est plus écrite, et impose un humour de la réplique plus proche des comédies françaises qu'on dirait "traditionnelles". Ici le quiproquo est roi et instaure un récit au flegme apparent qui déstabilise venant de Dupieux, lui plus habitué à nous offrir de la frénésie burlesque. Le cinéaste opère donc un virage assez subtil dans son cinéma, posant les bases d'un renouveau tout en gardant ce qui fait l'essence de son oeuvre, notamment dans un final critique des plus savoureux ou encore dans une intro qui montre qu'il n'a rien perdu de son génie du décalage.
Mais on reste face à un renouveau timide, et pas forcément des plus maîtrisé notamment en terme de rythme. On a connu le cinéaste français plus drôle et plus inspiré, notamment à travers une mise en scène bien sage aux fulgurances visuelles assez rare. Il ne tire que trop rarement parti de son huit clos et joue sur le comique de répétition sans jamais vraiment apporter plus à sa démarche. On en attendait un peu plus, surtout avec une envie évidente de rendre hommage à une tranche du polar français des années 70/80. Il se fait au final plus accessible mais donc aussi perd un peu ce qui fait sa force première même si il arrive à faire perdurer la logique de son oeuvre. Pour ça, il s'appuie d'ailleurs sur un excellent duo d'acteurs, avec un Benoît Poelvoorde très à l'aise dans les délires dupieuesque qu'il apparaît comme une évidence tandis que Grégoire Ludig fait ici office de révélation. Sortant un peu de son registre habituel, il se montre hilarant en dindon de la farce qui se trouve pris au piège de situations de plus en plus absurde. Les deux acteurs étaient pour beaucoup dans le plaisir procuré par le film.
Au poste ! est un bon film de Quentin Dupieux sans jamais parvenir à être un grand film de son cinéaste. Moins marquant que beaucoup d'autres oeuvre du cinéaste, que ce soit dans sa propension à l'absurde ou encore le génie de la mise en scène, on se retrouve face à une oeuvre mineure. Jamais déplaisante, surtout pour les nouveaux arrivants qui trouverons plus facilement leur marque, mais jamais transcendante et qui se montrera décevante pour certains plus familiarisés avec le style de Mr. Oizo. Même si il tente un renouveau, il n'apporte que très peu de choses à son cinéma et fini par se répéter malgré quelques bonnes trouvailles et un excellent casting. Au poste ! reste un film solide et qui manquera pas de faire rire, mais après l'excellence de Réalité, on était en droit d'en attendre un peu plus.