Si Baltasar Kormákur n'a clairement pas la science du récit des plus grands, au moins a t-il celui de l'image (et du son), comme il le confirme fort joliment ici. Ce récit de survie maritime est ainsi bien emballé, porté par un soin technique indéniable, offrant une immersion réaliste, parfois saisissante de cette (très) longue dérive, notamment les conséquences sur les corps, l'épuisement physique comme moral, s'appuyant sur quelques scènes spectaculaires ne donnant jamais l'impression de combler un vide scénaristique. Bonne idée, également, que de raconter en parallèle l'avant et l'après-naufrage jusqu'à ce que se recoupe les deux récits, évitant la linéarité tout en ajoutant un suspense supplémentaire quant aux circonstances du drame.
Dommage que cette démarche séduisante tire parfois fortement sur la corde du mélo adolescent, cette amourette prenant un peu trop de place au fil des minutes, pas désagréable mais sans grande originalité, rendant paradoxalement moins intense la dimension dramatique de l'œuvre. De plus, je ne suis vraiment pas sûr que ce rebondissement final soit si avisé, donnant plus l'impression d'un « truc » pour émouvoir qu'un réel apport à l'histoire (même s'il a au moins le mérite d'expliquer certains aspects précédents, très peu clairs). Maintenant, bien qu'il eut été préférable de cibler un public moins jeune, « À la dérive » reste un spectacle fait dans les règles de l'art par de vrais professionnels, proposant une narration assez différente de ce qui peut se faire habituellement « en mer » sur grand écran : porté par une Shailene Woodley convaincante, je regrette même de ne pas l'avoir découvert en salles, où l'expérience aurait été assurément plus forte.