De nombreux réalisateurs créent d'emblée leur chef-d'oeuvre ultime et seront acculés ensuite à tenter vaille que vaille de renouveler l'impact de ce premier opus. La majorité d'entre eux s'y casse les dents, s'y couvrent de ridicule. J'appréhendais donc ce "Ghostland", l'effet "gadget" de la participation de Mylène Farmer et anticipais mon désamour pour l'un et l'autre. C'était oublier que Laugier et Farmer ont pour point commun la construction d'une oeuvre radicale, jamais consensuelle, toujours cohérente. On aime, on abhorre mais nul ne reste indifférent face à ce que chacun propose. Ghostland ne déroge pas à cette règle. Mieux, il la dynamite.
Si le récit comporte un twist redoutable d'efficacité, Laugier ne laisse pas reposer l'entièreté du film sur ce seul effet. Vous n'aurez droit qu'à 2, 3 minutes de calme relatif avant d'être secoué en tout sens, immergé dans le glauque, la bave et le sang jusqu'à la fin de ce cauchemar dont il vous semblera qu'il n'a duré qu'une vingtaine de minutes, tant le rythme est intensément soutenu. Vous n'aurez pas le temps de digérer le grand rebondissement attendu que déjà, vous serez pris à la gorge, par le col, le fond du pantalon, les cheveux.
Si la majorité des interprètes sont méconnus, chacun excelle, soutenu par une direction d'acteurs exigeante, drastique, précise. Quant à la prestation de Mylène Farmer, qui ne se limite pas - loin s'en faut- à un caméo, disons, sans dévoiler l'intrigue que porte sur ses épaules le personnage "fil rouge" qu'elle incarne, qu'elle est particulièrement étonnante. Divine, Mylène, sans artifice, est, et peut-être avec plus d'acuité que jamais, Farmer.