La plus grande qualité du film d’aventures préhistorique est sa rareté : forcément on est mieux disposé, au minimum curieux, vis-à-vis de quelque chose de rare plutôt qu’envers un film dont on vient de se farcir cinq clones dans les deux derniers mois. Reste aussi que la dernière occurrence du genre, le ‘10.000 B.C.’ de Roland Emmerich n’avait franchement pas laissé de souvenir impérissable. Puisqu’en ces âges farouches, il n’était pas question de vivre mais seulement de survivre, ‘Alpha’ propose donc un voyage périlleux à travers les terres hostiles de l’Holocène, celle d’un jeune chasseur séparé de son clan, et de l’amitié qu’il développera avec un loup qu’il a pourtant blessé. Au-delà de la lutte pour la survie contre les bêtes féroces et les conditions climatiques extrêmes, c’est à la domestication du chien tel qu’elle aurait pu se dérouler que s’intéresse ‘Alpha’. Le projet reste toutefois empreint de naïveté et si les péripéties se laissent suivre, on a du mal à prendre au sérieux ces hommes préhistoriques qui, frusques en peau de bête mises à part, ne donnent jamais l’impression d’avoir vécu il y a 15000 ans : respectueux, sensibles, maîtres de leurs pulsions, cheveux propres et dents bien alignées, on les inviterait sans problèmes à la communion du petit dernier. Oh, il y a bien quelques tentatives au cours du film de montrer qu’il s’agissait d’une période rude : les chasseurs néolithiques se couvrent des excréments de leurs proies pour pouvoir s’en approcher sans éveiller leur méfiance ; ils se remettent très vite, genre trois secondes, du fait qu’un des leurs se fasse emporter et boulotter par un fauve pendant la veillée du soir...mais tout cela sonne faux. Rien que la manière dont ils s’expriment est très perturbante et sans aller jusqu’à reproduire la radicalité de ‘La guerre du feu’ de Jean-Jacques Annaud, il aurait sans doute été préférable, pour la crédibilité du projet, que ses protagonistes soient un peu plus “primitifs�. ‘Alpha’ est également un de ces films qui recourent au “tout-numérique� puisqu’à part le jeune homme et son loup, il n’y a pas grand chose d’authentique à l’écran. L’évolution des technologies fait que ces décors et ces animaux préhistoriques, de même que l’incrustation des acteurs en leur sein, sont esthétiquement plus tolérables qu’ils ne l’étaient il y a dix ans, même pour un production à budget moyen comme l’est ‘Alpha’. Dans le créneau de la réinterprétation visuelle d’une Terre des premiers âges, celle-ci est jolie et lisse comme celle d’une production Disney, ce qui colle bien avec la logique édulcorée qui régit cette Préhistoire à la portée des enfants.