Pour un premier film, c'est épatant de cinéma, de théâtralité, de romanesque.
Ce film possède une grande caractéristique qui lui en octroie tout le génie : la dérision, la fiction.
Tout pourrait paraître bobo, intello, littéraire, s'il n'y avait pas dans l'incroyable lumière du film, deux acteurs qui rient, s'amusent, et jouent autant pour eux que pour nous, jouent pour jouer, pour vivre.
Alors oui certaines références reviennent en boucle et le drame de l'écrivain raté et de la littérature comme essence et rédemption est un peu forcé, mais le décor est tel que cela ne nuit pas au film.
En fait, c'est un peu "L'Education Sentimentale", avec des émanations romantiques, lyriques, mélodramatiques en tout sens, mais accompagnées de dérision et d'audace, c'est-à-dire de la conscience que le spectateur est intelligent et qu'il est le premier connaisseur et sujet du film, le premier à avoir été amoureux.
"Voici ce qu'est l'amour", nous dit-on : c'est un socle de passion(s), une résonance commune grâce à laquelle deux êtres peuvent se livrer, se confronter, et vivre chacun leur vie, pour soi et pour l'autre en même temps, car ils ont le sentiment de former un tout.
Ici, la résonance n'est pas un amour de la littérature et des livres : c'est l'idée de la liberté d'expression, la liberté de sentiment, la liberté d'existence, qui s'exprime notamment par et dans l'art de la littérature. Sarah et Victor veulent être libres, affranchis d'un cadre familial oppressant et compressant, restreignant, affranchis du quotidien matrimonial et utilitaire, affranchis de la monotonie et affranchis de la communication sociale.
Ils veulent vivre, vivre vraiment, égoïstement mais à deux, et tout le film se construit sur ce cadre, cette mise en scène intimiste et ce point de vue introspectif.
Les lumières les regardent, les plans les illuminent, la caméra ne lâche pas leurs yeux, le décor ne dérive pas de leurs pas. Le film tout entier est un paradigme de l'amour définit et conservé par Sarah et Victor.
La preuve concrète et sublime de cette inversion de la quête amoureuse, de la liaison éternelle :
en premier lieu c'est elle qui fait tout pour revenir vers lui, pour attirer son attention, pour que rien ne les sépare, puis à la fin, c'est à son tour de faire la même chose, naturellement...
Et tout cela peut paraître recherché, voulu, etc.. mais c'est justement ce qui rend l'oeuvre encore plus grande : elle le sait. L'oeuvre se se sait esthétique et intellectuelle, et elle en joue parfaitement !
Car, les deux acteurs comme le reste du film, dès lors que leur seule barrière qu'auraient pu être le faux semblant, le calculé, le "film d'auteur", tombe d'elle même , ils n'ont plus de limites à se donner pleinement, à être eux-même, à se mettre à nu et à vivre... !
Un peu comme une pièce d'Hugo (dont le nom de Victor provient éventuellement), le "sublime" et le "grotesque", le génial et l'invraisemblable, les rires et les larmes se mélangent, se confondent, s'harmonisent à merveille, et tissent des portraits incorrigibles d'honnêteté de "Monsieur et Madame Adelman".