Encore un acteur qui s’improvise réalisateur pour parler des acteurs ? Bon, l’acteur en question, il a déjà deux films à son actifs, même s’ils n’ont pas marché et en fait de personnage d’acteur, c’est plutôt d’un personnage de directeur d’un théâtre au bord de la banqueroute dont il faudrait parler mais enfin, ça reste dans le ton...sauf que le réalisateur (et l’acteur) dont on parle, c’est Edouard Baer, et qu’on pardonne tout à Edouard Baer. Dès les premières minutes, le ton est donné avec le postulat absurde de ce patron de troupe qui ne dispose que d’une nuit, avant la Première d’une pièce japonaise imbitable, pour mettre la main sur un paquet de fric et un singe apprivoisé afin de sauver son théâtre de la ruine. Le seul problème est que Luigi, baratineur, affabulateur, procrastinateur de très haut niveau, s’est fait une spécialité de ne pas assumer ses responsabilités et de noyer toute perturbation extérieure sous un déluge de belles paroles et de promesses qui n’engagent que ceux qui y croient. Tout au long d’un périple nocturne surréaliste et riches en mésaventures à travers la Ville-Lumière, Baer parviendra à jouer sur l’ambivalence de ce personnage haut-en-couleurs, à la fois fascinant et détestable, et à lui offrir en contrepoint deux figures féminines de poids, celle dont il a épuisé les réserves de loyauté et celle qui ne succombe au charme de ce bonimenteur que par intermittences et ne se résout pas à le laisser croire en sa bonne étoile. Il y a le script, les gags, les quiproquos, tout ce qui est écrit et prévu...mais il y aussi ces pas de côté qu’on jurerait improvisés, ce phrasé unique et cette désinvolture naturelle : si le résultat fonctionne très bien, je ne suis pas convaincu qu’il aurait fonctionné avec quelqu’un d’autre qu’Edouard Baer aux commandes et à l’écran.