Il faut ne pas manquer d’audace pour aborder, sous forme de film d’animation (destiné, en priorité, à un public d’enfants), un sujet tel que celui qui est ici proposé : l’histoire d’une fillette de 11 ans sous le régime des talibans. Grâce à un scénario écrit avec beaucoup d’habileté, la gageure s’avère totalement relevée. On a affaire à un film prenant, intelligemment conçu et réalisé, et qui devrait plaire, en réalité, à toutes les tranches d’âge (à partir de 8 ans, de préférence).
Voici donc l’histoire de la petite Parvana, une histoire que la réalisatrice prend bien soin de situer dans le temps et dans l’espace. Car si l’Afghanistan d’aujourd’hui fut, au cours des siècles, une terre convoitée, conquise, rougie par le sang de nombreux guerriers tombés au combat, elle connut aussi des périodes de calme et de prospérité qui permirent l’éclosion de talents dans des domaines aussi divers que ceux de la littérature (des contes) et que ceux des sciences. Les femmes elles-mêmes, il n’y a pas si longtemps, commençaient de s’émanciper en ayant accès, par exemple, aux champs de la culture.
Par malheur, cette évolution fut radicalement stoppée par l’arrivée au pouvoir des talibans. Et, bien sûr, comme toujours quand s’instaure quelque part un régime de terreur, les maitres ont aussitôt entrepris de détruire les livres (soupçonnés de perversion des esprits) et de mettre au pas des catégories de personnes (en l’occurrence, les femmes, mais aussi les détenteurs d’un savoir, quel qu’il soit). C’est ainsi que, dans le film, la petite Parvana assiste, impuissante, à l’arrestation de son père, un homme qui aime les livres, qui raconte volontiers des histoires et travaille comme écrivain public : bien des raisons de le rendre suspect aux yeux des talibans qui s’en débarrassent en le faisant emprisonner.
Pour Parvana et les autres membres de sa famille, la vie s’en trouve extrêmement compliquée. Comment faire pour subvenir à tous les besoins quand il est interdit aux femmes de se déplacer sans être accompagnées par un homme ? C’est la raison pour laquelle Parvana imagine un subterfuge : se faire couper les cheveux et s’habiller en garçon afin de pouvoir se déplacer comme elle veut, non seulement afin de chercher de l’eau ou de faire des courses au marché, mais aussi afin d’essayer de secourir son père.
Tout entière polarisée par cet objectif, la fillette multiplie les actes de bravoure. Mais ce qui lui donne du courage, c’est précisément l’un des domaines exécrés par les talibans, celui du pouvoir de l’imagination. Car, tout en poursuivant son chemin semé de périls, la fillette raconte une histoire légendaire, celle d’un prince nommé Souleymane qui dut combattre la férocité d’un roi éléphant. Et le film prend les couleurs de l’enchantement, se parant de la beauté des miniatures, tout en conservant ses références aux dures réalités de la vie quotidienne d’une petite fille afghane.
Il faut saluer et même acclamer le travail accompli par Nora Twomey, la réalisatrice du film. Quoique irlandaise, l’hommage qu’elle rend aux femmes afghanes et à la culture de ce pays ne se départ jamais ni de justesse ni d’émotion tout en suggérant, en fin de compte, la possibilité d’un espoir.