"L'Aquarius" n'a rien à voir avec la mer où les requins guettent pour attraper leurs proies, et pourtant, on n'en pas loin. Il s'agit de l'immeuble où vit Clara depuis des décennies, où, avant elle, sa propre tante a vécu, et qu'un promoteur immobilier ambitieux envisage de lui faire céder. En fait, dans cet appartement, il y a toutes les multiples vies de cette famille. Un peu à la manière du chef d'œuvre de Perec, les meubles, les objets les plus intimes, les pièces recèlent tous un morceau de cette famille, un rapport sexuel, un enfant, un souvenir, dont on ne peut se défaire d'un coup de signature. "Aquarius" est sans doute le Grand Prix du Jury avorté de Cannes. C'est un film dense, et d'une redoutable intelligence. Car le Diable se cache dans les détails, et le scénario fait montre à cet égard d'une incroyable richesse. Chaque détail, chaque référence trouvent sa source ou sa métaphore à un endroit précis du récit. Pourtant très long, le film se déroule avec une fluidité déconcertante, où alternent des morceaux de vie de cette Clara, des musiques, des souvenirs, bref tout un trésor d'humanité. Sonia Braga habite ce film d'un bout à l'autre, avec beauté, puissance, et grandeur. A l'image de ce récit qui échappe merveilleusement au mélo, au psychodrame familial, elle fait œuvre d'une sorte de pudeur magnifique qui donne à son personnage et à l'histoire toute entière une épaisseur et frémissement de grâce proches du sublime. "Aquarius" est plus qu'un film. C'est un voyage dans la matière émotionnelle et sociale d'un pan de l'univers, notre univers intérieur familial et personnel.