Encensé par les critiques lors du dernier festival de Cannes dont il repartira malgré tout bredouille ; « Aquarius » est un portrait de femme forte, une critique de la société brésilienne mais aussi une fable autour du petit qui refuse de se faire dévorer par le grand.
L’Aquarius, c’est un immeuble ancien en bord de côte à Récife où vit Clara, la soixantaine. Mais il est plus que çà, il est la vie de Clara : son enfance, son cancer, ses enfants et sa vie actuelle ; il est ses souvenirs. Quand un promoteur immobilier essaie par des moyens plus ou moins légaux de lui acheter son appartement afin de construire un bâtiment plus moderne, Clara prouve qu’elle existe ; elle résiste (allusion à sa passion pour la musique). Mais le combat de Clara n’est pas animé par le regret ou la mélancolie ; il est profondément ancré dans le présent, elle veut rester fidèle à son passé. Face au libéralisme débridé, Clara pourrait passer pour une héroïne des temps modernes ; mais le film décide de ne pas en faire une sainte ; elle a ses travers dont celui de, par égoïsme, priver les autres copropriétaires des revenus issus de la vente de leur appartement. Ensuite dans sa critique sociale, le film montre avec intelligence les inégalités de classes et l’importance de la couleur de peau dans la réussite au Brésil. Le promoteur la renvoie à sa couleur peau à deux reprises. Clara ne fait pourtant pas parti des classes supérieures, on l’envisage plutôt de la classe moyenne éduquée. Même si elle se tutoie avec sa femme et qu’elle a beaucoup de respect pour elle, on voit le fort décalage avec les pauvres à plusieurs reprises : l’épisode de la photo de la femme de ménage voleuse, l’intervention de la femme de ménage en plein épluchage des photos de famille par la famille de Clara, la plage des pauvres et la plage des riches,… La critique de la société brésilienne est acerbe comme l’an dernier dans le fameux « Une seconde mère ». Ce film est très intelligent mais aussi très indolent. Indolence qui fait écho à une intrigue légère s’étirant en longueur sans apporter du contenu au récit à l’image de l’acte 2. L’intelligence on la trouve par contre à de nombreuses reprises. N’en citons qu’une : l’épilogue du prologue où l’on tout comprit à l’affect amoureux, culturels, filiaux, politique liant Clara à l’Aquarius. Et plus largement dans le prologue, on comprend que la famille de Clara est éduquée, aux idées progressistes, aisée ; et aussi que l’Aquarius est un membre de la famille, la joie est possible ici, la liberté de penser aussi alors qu’à l’extérieur un régime autoritaire dicte sa loi.
Bilan des opérations un film intelligent et ample mais aussi plein de vacuité. « Seconde mère », moins cinématographique, avait le mérite d’être plus direct ; un coup de poing à plus d’impact qu’une gifle.