Un film très puissant , très original , très ambitieux , et très culotté aussi, sur un sujet extrêmement délicat, pas si souvent traité par le cinéma des pays de l’ Europe de l’ouest, et là incroyablement assumé et décrit par un cinéaste marocain. Tout ce qu’il nous montre et dépeint existe partout, mais reste souvent tabou, y compris en France parce qu’il y a, entre autre, le débat actuel entre les abolitionnistes et les pro légalisation, et que l’intelligentsia française a du mal à se positionner. Nabil Ayouch a le courage de ne pas juger, il dépeint et il nous raconte le destin de 3, puis 4 prostituées de Marrakech et leur quotidien. Elles vivent dans un monde parallèle, marginal, ensemble, dans un appartement, avec comme confident, protecteur et chauffeur, un homme bienveillant. Le film aborde beaucoup de sujets au travers des clients des prostituées : le néo colonialisme actuel des nouveaux dominants, les Saoudiens, qui viennent au Maroc pour s’éclater, pour boire de l’alcool, faire la fête, dépenser leurs dollars avec les prostituées, dédaigneux, avec un machisme antique, sans respect pour la femme, ce qui amènera l’ incident de violences physiques contre une des filles. Il y aussi les clients européens ( français ) où l’on sent qu‘il reste un relent de colonialisme aussi, plus paternaliste ; le client est plus gentil avec sa prostituée, mais ne peut le montrer , il lui dit qu’il l’aime , mais il est marié, fait semblant d’être romantique et cela ne peut déboucher sur rien : i.e. très belle scène d’amour entre Loubna Abidar et le client français : du sexe venant d’un pays oriental, courageusement filmé, très beau , très sensuel ,tout aussi beau que le « Love » de Gaspard Noé , réellement courageux ,et qui a valut à Ayouch l’opprobre dans son pays ,et l’interdiction du film, sans qu’il soit visionné par la commission de censure . Les filles boivent, se droguent, font ce métier dans l’attente de faire autre chose, partir en Espagne pour une, élever son fils pour l’autre. Le film aborde brièvement aussi la question de la pédophilie, avec ce petit cireur de chaussures de 10 ? ans, qui avoue faire un peu plus que de cirer les chaussures avec les européens. Il y aussi la corruption de la police, avec cet inspecteur qui profite de sa position dominante pour se servir en nature, au forcing, avec violence sur Abidar …..( mais cela existe aussi en France) . Le problème extrême des travesties ou transex, encore plus marginaux, Et même l’homosexualité féminine, abordée avec délicatesse, là aussi un énorme tabou dans les sociétés Maghrébine, abordé en frontal. Il n’y a rien d’ "anti " marocain dans le film, 95 % des thèmes seraient les mêmes en France, mais la société marocaine n’aime pas aborder en frontal, et préfère glissé le sujet sous le tapis. Le film est beau, beaucoup de pudeur et de compassion envers ces femmes. Une belle réalisation , une belle photo aux teintes chaleureuses , les images volées en voiture , avec les vrais habitants de Marrakech sont très bien sélectionnées et apportent un vrai complément au récit principal de fiction, comme une vraie vie de l’autre côté du miroir, une mise en perspective. Les actrices sont formidables et tous les seconds rôles aussi, prouvant le grand talent de Ayouch , en tant que directeur d’ acteurs