Much loved – portraits de prostituées en eaux troubles – ♥♥♥♥
À Marrakech, Noha, Randa, Soukaina et Hlima vivent d’amours tarifées. Ce sont des prostituées, des objets de désir. Vivantes et complices, dignes et émancipées, elles surmontent au quotidien la violence d’une société qui les utilise tout en les condamnant.
Une claque et une caresse
Much loved est un film qui nous rappelle tout l’intérêt du cinéma dans notre monde contemporain : rendre compte de l’actuel, sortir des poncifs sur une histoire originale et portée par une interprétation forte et vigoureuse.
L’avènement d’un cinéma libertaire maghrébin?
Dès sa scène d’introduction, Nabil Ayouch pose son postulat : ce seront des femmes maghrébines qui parleront sans détour et sans tabou, de leur vie, intime et libérée de toute contrainte, sociale, éthique ou religieuse. On mesure l’ampleur de la prise de risque du réalisateur et de ses actrices, dans un Maroc où les autorités politico-religieuses font résonner les menaces de leur intolérance en brimant tout espace de liberté. Le voile sera levé, sans retenue et sans pudeur, sur ce qui fait la marge de la société marocaine, aujourd’hui. Le tourisme sexuel (des Européens, mais aussi et surtout des pays de la péninsule arabique) qui se déverse et dévoit tout, la pauvreté, la prostitution dans ce qu’elle peut avoir de plus sordide et de plus tragique, la pédophilie, la discrimination, la corruption, le poids des contraintes sociales … rien ne sera épargné au spectateurs, ni aux personnages.
Un quatuor d’actrices amazones
Le film virevolte sans accroc entre les moments de tendresse que partagent ces 4 femmes dans cette famille recomposée, les décalages humoristiques, les scènes sordides et celles plus tragiques. L’histoire, sans aucun jugement ni côté moralisateur, que signe aussi Nabil Ayouch, est des plus fortes et des plus solides, mais c’est surtout l’incarnation de ces quatre prostituées par Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Alima Karaouane et Sara Elmhamdi-Elalaoui qui retient l’attention et crève l’écran.
Loin d’être sacralisées ou victimisées, elles sont montrées sans fard et dans toutes leur ambivalence : à la fois libres et asservies par les hommes, trop et mal aimées, en marge mais cherchant la reconnaissance et le respect, fortes et fragiles, elles font vivre leurs familles mais n’ont que du mépris en retour. Ces actrices sont de véritables révélations et elles montrent à quel point porter un rôle est à la fois un acte militant et de courage. Une chose est sûr : une fois le film terminé, vous aurez du mal à les quitter!