Sixième film du réalisateur engagé Nabil Ayouch, Much Loved a subit dès sa projection cannoise de nombreuses critiques, principalement venu du pays du soleil lointain. Effectivement, le Maroc, qui a d’ailleurs décidé de ne pas diffuser le film sur ses terres, critique en grand partie le traitement qui est porté aux femmes et plus précisément, aux femmes marocaines !
Portrait de trois, puis de quatre prostituées maghrébines, évoluant dans un Marrakech à des années lumières de celui promis aux touristes occidentaux. Much Loved pose le doigt de façon évidente sur la condition ainsi que la place de la femme dans le paysage orientale.
Ayouch aime les sujets sensibles, tabous voir controversés ! Il aime dépeindre la vie de marginaux, ceux qui sont soit rejetés soit dénigrés par le système. Son sens de l’approche est pointilleux, presque documentariste, dénué dans sa quasi-totalité d’effets cinématographiques à proprement parlé. Much Loved n’est donc, ni réellement une fiction, ni réellement un documentaire, il lorgne entre les deux sans prendre parti pour l’un ou pour l’autre. C’est un morceau de vie, un trait sans début ni fin, à la fois conte et récit véridique, à la fois optimiste, sujette à une profonde mélancolie, comme un rêve au final.
Ce passage très brève dans la vie de ces femmes dont leur beauté égale leur courage, semble être à la fois vain et authentiquement fondé. D’une part, il semble évident qu’Ayouch souhaitait capter l’instant avant tout. Ne pas faire de Much Loved un récit purement narratif mais plutôt d’en faire un portrait de femmes, de femmes qui errent, de femmes fortes, cherchant désespérément à s’échapper pour enfin goûter à la vie. Le film épouse le point de vue de la prostituée consciente de sa situation, celle qui a appris à accepter (tolérer ?) et qui arrive à prendre une certaine distance en restant néanmoins lucide.
D’une autre part, cette volonté de vouloir rester floue, de garder délibérément la trame narrative en suspension estompe peu à peu l’implication. L’empathie et l’identification vis-à-vis des personnages marche, mais le manque d’éléments dramaturgiques rend le tout bien trop superficiel pour créer des dilemmes profonds et altruistes. L’impact de certaines scènes et les enjeux du film perdent alors en efficacité, se réduisant à de simples petites parcelles épisodiques qui viennent s’imbriquer dans la narration.
Le film normalise également beaucoup trop son contenu. Le spectateur est dès la première scène, immergé dans le quotidien artificiel et impétueux des trois jeunes femmes. S’en suit une succession de séquences d’orgie qui reste de très loin la partie la plus interpellant du film.
En fin de compte, l’essence même du dernier film de Nabil Ayouch, est-elle vraiment de plaire ? Est-ce vraiment important ? N’est-ce pas plutôt les faits qu’il dénonce ? Qu’à titre purement informatif, Much Loved est un film important et qu’il faut inviter les gens à aller voir ce genre de film. Des films qui posent des questions fondamentales sur le monde actuel pour éveiller les consciences. Des films qui permettent d’évoluer. Des films qui, sans vraiment qu’on s’en rend compte, font du bien autour d’eux.
Aller voir Much Loved !