Vu à sa sortie et de temps en temps vu à la téloche.
Je me rappelle m’être fait la réflexion suivante après être sorti de salle : « Est-ce vraiment Bertrand Tavernier qui a pondu ce film ?» J’y voyais plutôt l’esprit d’un Bertrand Blier - spécialiste du politiquement incorrect depuis 1974 - qui avait réalisé la même année un gratiné « Beau-Père ».
Cette comédie macabre est une véritable réussite.
Quelle irrévérence ! Quel culot !
Et ce grâce à des dialogues d’une férocité crasse servis par des acteurs tous remarquables à commencer par Philippe Noiret dans le rôle de Lucien Cordier.
En le revoyant, je maintiens que je ne l’ai jamais cru benêt. Un faux imbécile, un homme qui se fait âne pour avoir l’avoine. Il a attendu le moment propice pour enfin agir. ll lui fallait un bon coup de pied aux fesses de Guy Marchand, infect à souhait, pour mettre fin à ses humiliations consenties.
Pour en revenir au personnage de Guy Marchand, Chavasson pour le nommer, tient un discours sidérant de bêtises (doux euphémisme pour rassurer le soi-disant modulateur d’AlloCiné) sur les Noirs qui ne seraient pas des gens.
A bien y regarder, tout est sidérant de crétineries.
« Coup de torchon » n’est rien d’autre qu’un rayon X qui autopsie à l’os l’âme humaine dans ce qu’elle a de plus abjecte.
Et le pire dans tout ça : je lâche des éclats de rire qui s’apparentent plutôt à des spasmes de stupeur. Et ce, sans la moindre culpabilité.
Mais d’un autre côté, je me sens mal à l’aise quand Lucien Cordier applique sa justice qu’il pense divine.
Et le pire dans tout ça : quand il justifie ses agissements, son discours est toujours cohérent, voire d’une lucidité diabolique.
Ne parle-t-il pas de tentation ? Donc, le Tentateur, le diable plutôt que le Christ qu’il se croit être.
Tous les mots prononcés et incarnés par les acteurs relèvent d’une mécanique haute précision. Il n’y a rien d’artificiel de gratuit. les dialogues ne sont pas dans la provocation car les acteurs sont tellement naturels que les mots clamés sont d’une évidence ahurissante.
A cela s’ajoute la musique de Philippe Sarde assez déstabilisante, comme à l’image de la caméra portée qui illustre l’instabilité des personnages. En effet, parfois, l’image est instable.
« Coup de torchon » est une gifle qui surgit soudainement par intermittence. Le spectateur que je suis ne sait jamais à quel moment la gifle va partir.
« Coup de torchon » introduit Eddy Mitchell dans le monde du cinéma et quelle introduction ! Même si parfois son jeu prête à douter, pour un premier rôle, il s’en sort très bien dans ce récit exigeant.
« Coup de torchon » est un texte et un film d’acteurs, lesquels l’ont merveilleusement servi. Ils ont dû se faire plaisir à interpréter des personnages bêtes et méchants à l’exception de l’institutrice Anne sous les traits gracieux d’Irène Skobline ; Anne image de la bonté, vierge de tout mal, source de paix pour Lucien Cordier.
Bravo à Philippe Noiret - je crois son meilleur rôle, il est d’une duplicité machiavélique - à Isabelle Huppert, Stéphane Audran, Jean-Pierre Marielle, Gérard Hernandez, Guy Marchand, François Perrot, Eddy Mitchell et Michel Beaune…