En tant que fan absolu de la BD, je me suis souvent demandé quelle tête pourrait avoir l'acteur qui choisirait d'interpréter ce rôle au cinéma. Entre la tête d'ampoule et un véritable humain, franchement, je ne voyais pas. Eh bien je trouve que Théo Fernandez s'en sort franchement pas si mal, et j'oserais même dire, de mon point de vue, avec les honneurs. A ceux qui disent "peut mieux faire", je vous en prie. Faites mieux. En attendant, le film proposé ici relève le défi et mes craintes concernant le personnage principal ont été levées à l'instant où j'ai entendu sa voix. Sa démarche, élastique, presque liquide, se marie parfaitement avec des textes à peine articulés (pour éviter l'effort superflu) mais parfaitement compréhensibles. L'acteur aura réussi, selon moi, à maintenir son aspect caricatural jusqu'à la fin et pour un film issu de la BD je trouve que c'est un tour de force.
Le jeu d'Alison Wheeler (mamzelle Jeanne) m'aura également beaucoup touché car elle apporte le rayonnement féminin qui ne transpirait pas nécessairement, selon moi, au travers de la BD. Sa maladresse et ses bégaiements sont restitués sur un ton juste. Ses sentiments incontrôlés mêlés à sa pudeur formelle se traduisent par une bienveillance plutôt discrète à l'image de la mèche d'un énorme pétard.
En bref et sans passer en revue tous les acteurs, j'ai trouvé dans ce film une justesse dans la richesse des personnages que je n'espérais même pas.
Dans l'ensemble, le monde du Gaston d'origine subira un léger lifting pour coller à l'époque mais aussi très probablement au budget. On y retrouvera avec plaisir des gags issus des planches originales, quelques nouveautés qui respectent scrupuleusement l'esprit. Je n'y ai pas ressenti de lourdeur ou de faute particulière de montage. Les dialogues sont courts et plutôt efficaces mais surtout, l'esprit est là : entre une équipe de bureau dite "normale" (donc névrosée) et un mec tellement humain qu'il en devient l'anti-héros, l'alchimie qui s'opère révèle une seconde lecture qu'on prendra en pleine face à un moment du film.
Je salue l'effort d'avoir voulu coller au plus près à l'univers de la BD. En ce qui concerne l'humour, il est là, à revers, je crois, de celui qu'on trouve dans la plupart des films comiques. Le message est là également. L'interprétation est brillante en regard de l'improbabilité des situations. C'est un film ! Pas de l'animation. Les libertés que pouvait prendre Franquin dans ses planches sont autant de difficultés pour la réalisation d'un film et dans la majorité des cas, elles ont été transcendées. Nous avons par exemple un recours à la 3D que je trouve utile et correctement dosé. La mouette et le chat pour ne citer qu'eux s'intègrent parfaitement et permettent de donner vie à certains plans mythiques.
L'avantage d'un film est qu'il ne se limite pas à l'image et je dois avouer que la bande son m'a paru particulièrement réussie. Outre le fait de donner une voix à Gaston, c'est la première fois qu'on entend les "bim BAM BOUM DOIIIING" pour de vrai. Un soin tout particulier semble avoir été mis sur ce point et une fois de plus, je salue l'effort.
Alors pourquoi ne pas mettre la note maximale malgré ce que j'estime être un tour de force ? Parce qu'on sent le compromis. Gaston ne niche plus au coeur d'une pièce intégralement remplie de courrier en "retâââard" mais dans un entrepôt rempli de cartons. Son autosiège se résume à une tyrolienne. L'entreprise ou travaille Gaston est immense avec des dédales de couloirs (dangereux) sur plusieurs étages, le gaffophone ne produit pas que des tremblements de terre mais aussi des ondes se choc (certaines fréquences sont à utiliser avec précaution) et les dégâts dont Gaston est capable étaient visiblement au delà des possibilités du budget du film...
Sinon, franchement, un vrai bon moment.