Animant des ateliers de cinéma, le réalisateur Pierre Beccu explique la naissance du projet : "Le point de départ est un atelier de cinéma réalisé à partir de 2010 avec 6 étudiants en géographie d'Annecy (Haute-Savoie), qui souhaitaient étudier les impacts de notre consommation alimentaire sur différents aspects de la vie. Rapidement, leur curiosité et la pertinence de leur regard m'ont paru de nature à dialoguer avec les interrogations de nos concitoyens. J'ai proposé aux jeunes de faire évoluer l'atelier en film grand public, et de transformer l'outil pédagogique en objet de cinéma."
Pour les besoins de leur enquête, les étudiants du film ont organisé différentes interviews avec des acteurs essentiels de l'agriculture et du circuit de la consommation alimentaire. Parmi les personnes interrogées, on trouve ainsi des patrons de grandes surfaces, de supérettes, des négociants sur les marchés, des responsables de groupements et des producteurs.
Pierre Beccu, même s'il a laissé carte libre aux étudiants dans tout leur travail de recherches, a néanmoins supervisé le projet de sa naissance jusqu'à la phase finale. Le réalisateur explique notamment qu'il fallait donner au documentaire un angle original : "Nous sommes tombés d'accord très vite sur le fait que la majorité des films sur le sujet étaient plutôt anxiogènes et que dans la nouvelle ère qui s'ouvre, les jeunes devaient apporter une parole nouvelle. A partir de là, je leur ai laissé les clés du contenu."
Les personnes rencontrées pour les besoins du film venaient toutes de la région d'Annecy, c'est à dire la région d'où venaient les étudiants. Le choix d'aller à la rencontre de ces personnes proches n'est pas anodin puisque l'idée du film est d'apporter une réponse venant d'endroits où les consommateurs ont l'habitude de dépenser leur argent. La proximité permettait ainsi d'apporter une réponse aux polémiques autour de la longueur des circuits, du nombre d'intermédiaires et des gros budgets de communication.
Les personnes interrogées dans le film préconisent de mettre en avant un certain nombre de mesures dont le film rend compte. Il va ainsi s'agir de respecter la saisonnalité des produits, privilégier les circuits courts, insister sur l'importance de l'engagement des collectivités ou encore retrouver le goût des produits.
Pour Florian Revol, l'un des étudiants en charge du projet, Regards sur nos assiettes n'est pas qu'un simple documentaire écologique. Il déclare : "Nous voyons ce film comme un récit documentaire mais aussi comme un outil pédagogique qui permet de reproduire notre démarche sur d'autres territoires. Car nous le savons, l'alimentation est un sujet qui nous concerne tous."
Cela fait quinze ans que Pierre Beccu anime des ateliers de cinéma qui permettent aux jeunes de participer à la fabrication d'un film de A à Z. Engager un processus de création allant au dessus de la simple éducation artistique sans que les jeunes se sentent spécifiquement artistes ou cinéastes, ainsi pourrait être le credo du metteur en scène. Suivant la longueur du dispositif, les difficultés de la narration ou les intérêts pour les aspects techniques, les jeunes adoptent ou non une posture de réalisateur mais quoi qu'il arrive, ils témoignent toujours d'une curiosité et d'une capacité de comprendre, ce qui pour Pierre Beccu est un message d'espoir.