Un an et demi après, notre cerveau est encore tout tremblant, traumatisé rien qu'à l'idée de repenser au vide intersidéral qu'a représenté "Ouija" premier du nom, un de ces sérieux prétendants à ce que le cinéma d'épouvante US nous a proposé de pire sur grand écran en 2015.
Conçu dans le but d'attirer un public pas très regardant à des fins purement mercantiles (le plus diabolique dans cette affaire résidait non pas dans les esprits du film mais sans doute dans le partenariat Blumhouse/Hasbro en vue d'une production à moindre coût pour un maximum de rendement avec en bonus plein de planches de bois gravées vendues à des jeunes gogos !), "Ouija" se moquait autant de la poire des vieux routiers du genre que de celle des nouvelles générations -en espérant pour notre futur que celles-ci aient quand même flairé l'arnaque.
Une banale histoire de spectre vengeur avec un twist fainéant à la clé, des personnages adolescents tous désespérément transparents (même leurs pupilles préféraient se faire la malle en présence de fantômes, c'est dire), un ratio incroyable de portes qui claquent toutes seules par séquence, des bouches cousues, un lavabo meurtrier, une Lin Shaye un peu gaga et placée là pour rappeler le succès de la saga "Insidious" et surtout cette platitude invraisembable (que cela soit au niveau de l'écriture, du rythme ou des dialogues, tout était mauvais, chapeau sur ce coup !) qui imprégnait le long-métrage de bout en bout jusqu'à en faire un véritable calvaire d'ennui. Bref, "Ouija" avait toutes les qualifications recquises pour être défini comme une vraie purge et l'idée d'assister à une suite était aussi emballante que de piquer une tête dans une baignoire remplie d'acide sulfurique.
Pourtant, à notre grand étonnement, nous y voilà ! Et par la force d'un seul nom en plus, celui d'un réalisateur très prometteur (peut-être même un grand en puissance) qui prend un malin plaisir à revisiter les sous-genres horrifiques depuis les débuts de sa filmographie ("Absentia", "Oculus", "Before I Wake", "Hush") avec un indéniable talent grâce à des personnages forts, placés au coeur de l'intrigue et dont les failles font toujours écho aux menaces surnaturelles auxquelles ils sont confrontées. On parle bien évidemment de ce diable de Mike Flanagan, un des seuls à pouvoir tirer vers le haut (enfin, carrément sortir des limbes de la médiocrité) une franchise déjà qualitativement morte-née.
Et il y est arrivé, cet animal ! "Ouija : Les Origines" est bien meilleur que son prédécesseur. En fait, en y glissant un clin d'oeil à un de ses propres films (regardez bien les objets dans la cave), Mike Flanagan résume tout son mode opératoire utilisé pour ce deuxième volet. Il s'approprie en effet totalement l'histoire de fantôme maléfique du premier pour la raconter avec sa propre patte. Pour cela, il choisit judicieusement de se concentrer non pas sur de nouvelles jeunes victimes inintéressantes mais sur les origines des personnes qui sont devenues le coeur même de cette malédiction.
Retour dans les années 60 donc où une jeune et jolie veuve escroque des gens éplorés par la mort d'un proche lors de séances de spiritisme montées de toutes pièces. Après avoir acheté une planche de Ouija comme nouvel accessoire à ses arnaques, sa plus jeune fille commence à développer de véritables dons pour communiquer avec les morts et à bien évidemment attirer tout un tas d'embrouilles malfaisantes à sa famille.
Grâce à son logo Universal d'époque et à la présentation de son titre, "Ouija : Les Origines" nous installe facilement dans une ambiance 60's (et l'excellente BO qui va avec) synonyme normalement d'une certaine forme d'insouciance que l'on retrouve ici dans les premiers émois amoureux de la fille aînée. Mais, la famille vit dans la pénombre du deuil du père et ses conséquences. Les difficultés financières auxquelles est confrontée la mère l'a entraîné dans cette spirale malhonnête et lorsque la cadette révèle de véritables dons surnaturels, elle choisit de l'exploiter se convaincant intérieurement du bien fondé de ce geste par le soulagement apporté au client. Hélas, la supercherie dont elle a elle-même fait preuve auparavant va se retourner contre elle lorsque qu'un être maléfique va la tromper à son tour par l'intermédiaire de sa fille.
L'intelligence de la manière de nous raconter cette histoire par effet de miroir contraste véritablement avec la bêtise du premier film et ses personnages creux. L'attachement est effectivement presque immédiat entre le spectateur et la mère et ses deux enfants, des personnages bien plus fouillés qu'à l'accoutumée (la marque de fabrique de Flanagan) dont la confrontation à des forces surnaturelles passera forcément par la résolution de leurs maux intérieurs. Intelligent qu'on vous dit et ça fait du bien !
Seulement, en choisissant la voie du prequel, Flanagan se tire lui-même une balle dans le pied. À cause du premier opus, le spectateur connaît désormais le destin funeste de la famille. Le film a beau tenté d'enrichir le background de la malédiction... ben... d'un nouveau background en fait, rien n'y fait, les tenants et aboutissants du récit semblent déjà connus d'avance et ne parviendront jamais à être transcendés par une forme très réussie vectrice d'une ambiance pesante ou par une montée en puissance dans les manifestations paranormales à l'écran.
Réalisé de manière efficace, avec des personnages dotés d'une certaine profondeur et superbement bien interprétés (l'excellente Elizabeth Reaser ainsi que la petite Lulu Wilson, flippante à souhait), "Ouija : Les Origines" surpasse sans mal le premier volet mais ses qualités ne parviennent jamais véritablement à faire oublier le classicisme d'un récit dont on connaît déjà la conclusion par avance. De jolis efforts donc mais pas sûr qu'on en réclame un troisième épisode pour autant.