"La Loi du Marché" sonne éminemment juste en étant le reflet précis et plus qu'exact, de situations dramatiques bien trop souvent vécues de loin ou de près par beaucoup, écrasés et terrassés par "La Loi de l'Argent" !
Tous les thèmes abordés convergent ainsi vers le même constat, celui d'un monde insensible, cruel et impitoyable !
Et curieusement, bien que d'excellents moments, des entretiens au pôle emploi jusqu'aux visites avec la conseillère bancaire, soient criants de vérité, ce quasi-documentaire de Stéphane Brizé manque malgré tout de nerf, de force...
Ce traitement presque chirurgical privilégié par le réalisateur a bien sûr tout son intérêt par l'aspect glacé, implacable de faits connus qui ont le grand mérite d'être portés à l'écran, mais en même temps cette triste histoire de tout un chacun répétée à l'infini, aurait gagné à être littéralement englobée dans son vrai contexte, celui d'une époque féroce où ne comptent que la rentabilité et l'argent...
Jamais en effet, il ne nous est rappelé tous ces profits, toutes ces richesses que les PDG et actionnaires engrangent sans vergogne, pendant que d'autres trinquent pour des broutilles de bon de réduction, de misérables et indispensables steaks volés pour pouvoir survivre...
Certes Stéphane Brizé dénonce et a tout à fait raison de le faire, mais il y avait tant à mettre en opposition à cette misère, pour rendre ce mal qui ronge notre société encore bien plus ignoble et terrible !
Ici, on assiste au parcours d'un homme usé, fatigué, très bien interprété par Vincent Lindon mais trop formaté pour ce genre de prestation, dont la famille est à mon avis sacrifiée dans le film...
Même si on assiste à quelques instants de son intimité difficile par certaines scènes très explicites, on aimerait voir cette épouse jouer son véritable rôle, avoir une vraie présence, afin de rendre le quotidien de cette famille encore mieux rendu, et ses membres encore plus touchants.
Il manque sans doute toute la tension et l'émotion qui font la différence entre une fiction et un documentaire, où les cris de joie ou de colère, l'encouragement et la déception auraient donné de la puissance et de la crédibilité à ces individus humiliés, broyés et réduits à néant...
Stéphane Brizé nous montre ainsi rien de bien nouveau que l'on ne sache déjà, comme si lui-même découvrait une dure réalité insoupçonnée de sa personne, mais malgré tout il faut reconnaître qu'il vise extrêmement juste quand il s'agit de l'attitude intéressée de la banque en fonction de la position de son client, de l'hypocrisie des formations ou de l'ambiance délétère d'un supermarché qui espionne ses employés et ses clients, jusqu'au jugement des résultats insuffisants d'un jeune handicapé qui se bat de toutes ses forces pour réussir !!!
Donc beaucoup de constats terribles en soi, très bien montrés assurément, mais sur un mode trop détaché, trop distant, trop coupé du contexte général pour que ce film prenne vie et nous secoue vraiment comme on l'espérait !
Sans rien en dire, la fin semble décevante quant au choix que fait Thierry par rapport à son travail de surveillant, alors qu'elle aurait pourtant mérité un vrai positionnement, une attitude vraiment constructive de sa part, et donner ainsi un espoir de lutte enfin attendu...
Il y a encore tant à faire dans notre monde !!!
Au final, un film social intéressant sans aucun doute, mais terriblement englué dans une forme très maîtrisée et trop mesurée.
Un parti pris qui se défend peut-être, mais discutable quant à l'impact trop limité à mon avis.
Dénoncer, constater, nous ouvrir les yeux, absolument, mais aussi se battre et aller de l'avant, ce sont aussi les buts essentiels du cinéma !