"Chambre avec vue" fait honneur à son titre, car c'est bien plus qu'un film que nous propose James Ivory, mais presque une oeuvre picturale. En effet, le film qui suit avec précision le chapitrage du livre de Forster nous présente plusieurs tableaux, plusieurs ambiances, plusieurs vues justement avec une rare finesse. L'italie tout d'abord nous apparaît tour à tour sublime et théâtrale (je pense notamment à la scène du meurtre qui paraît presque être un rêve, une mise en scène sous le regard des statues de Michel-Ange, divinités qui régissent le destin des mortels, et une foule en noir qui s'agite avec de grands gestes dramatiques), mais aussi enivrante et édénique lors de cette fameuse escapade dans les paysages gorgés de soleil qui entourent Florence. La scène du baiser reste un chef-d’œuvre en soi, où les personnages semblent tout droit sortis d'un tableau de Monet. Elle dans sa robe blanche, titubante dans l'orge, lui tel une statue grecque le visage tourné vers une vue fermée, jusqu'à la voir elle : il en devient exubérant et passionné. Nous sommes loin des clichés dans cette scène, qui aurait pourtant pu tomber dans cet écueil, mais la photographie, la musique et presque la maladresse de ces deux personnages en font un moment extrêmement poétique. Les vues s'enchainent et s'entrecroisent dans ce film de manière virtuose: les vues bornées des personnages guindés que sont Charlotte ou Mr Eager, celles ridicules de la romancière Miss Lavish, celles attendrissantes de Mr Emerson... Nous l'aurons compris, c'est la critique d'une société prise entre les traditions victoriennes et celles plus audacieuses d'un début de siècle que le livre et le film s'appliquent à dépeindre. Les personnages libres nous apparaissent sublimés, comme lors de la scène du lac, où, dénués de toute pudeur, des corps nus s'éclaboussent et se courent après, nous rappelant les statues qui trônait sur la place à Florence dans la première partie. Lucy dont la chevelure brune et ondulée rappelle les héroïnes romantiques en deviendra une à travers la vue que lui offre George, personnage taciturne et étrange dont la vie intérieure est bouillonnante, comme la sienne. Cecil (dont le nom évoque l'aveugle, contrairement à Lucie qui signifie lumière) quant à lui apprécie l'art, mais comme une chose qui se contemple plus qui ne se se crée, il cherche donc à enfermer Lucy dans un tableau plutôt que de lui ouvrir un cadre sur l'extérieur. Cecil est un personnage cependant comique, comme bon nombre d'autres dans le film qui sont tous interprétés avec justesse et talent, et nous donne l'occasion de rire plus d'une fois. Daniel Day-Lewis est délicieusement insupportable, tout comme Maggie Smith. Simon Callow at Rupert Grave respirent quant à eux la joie de vivre, et Denholm Elliott nous offre une interprétation d'une grande sincérité. Pour ce qui est du couple principal, le charme de Mlle Bonham Carter réside dans ses quelques maladresses, celle de Sand dans sa stature silencieuse. Le film prends sont temps, son rythme est tranquille car il nous incite à voir et à apprécier avant tout, pour pouvoir ressentir ensuite...