Deuxième long-métrage (enfin troisième si on compte son travail officieux de réalisateur sur le "Dredd" de Pete Travis) et deuxième grosse claque SF de la part d'Alex Garland !
Soudainement revenu d'une mission secrète où il était porté disparu, le mari de Lena, Kane, n'a le temps de ne prononcer que quelques mots incohérents avant de s'effondrer, gravement malade. Sur le trajet de l'ambulance, tous deux sont pris en charge par des militaires et emmenés de force dans une zone secrète appelée Area X. Là-bas, Lena apprend l'existence d'un mystérieux phénomène, le Miroitement (une sorte d'immense dôme réfractant la lumière et tout type d'ondes), dont la taille ne fait que s'accroître. Elle comprend également que son mari faisait partie d'une des différentes équipes envoyées derrière la barrière du Miroitement pour en percer le mystère et dont personne n'est jamais revenu. Pour tenter de trouver un remède à Kane, Lena rejoint une équipe de femmes scientifiques en partance pour explorer et comprendre ce qu'il se cache derrière l'étrange dôme une ultime fois...
"Annihilation" est paré de tellement de miroitements de réussites que l'on ne sait pas très bien par où commencer.
Ses thématiques ? En son coeur, se trouve abordée l'autodestruction sous toutes ses formes et de manière plus ou moins consciente à travers tous les personnages.
Intimement, les femmes de l'équipe scientifique ont toutes cherché à se détruire à un moment ou à un autre de leur vie et sont en quête d'un nouvel élan existentiel : le cas de Lena est évidemment plus mis en avant grâce à des flashbacks nous révélant une autre forme d'auto-sabotage vectrice d'une lourde culpabilité propre à expliquer les motivations qui l'ont poussé à se retrouver ici (celui de la cheffe d'expédition, plus complexe à déchiffrer, peut-être interprété comme un miroir à son obsession exponentielle à la compréhension du mystère).
Plus globalement, le film nous renvoie à cette autodestruction de l'être humain dont la programmation serait une résultante génétique tenant de l'anomalie (Lena, spécialiste en biologie cellulaire, l'explicitera à plusieurs reprises). En ce sens, sans en révéler précisément la teneur, les effets du Miroitement en serait un énorme catalyseur à ciel ouvert, accélérant ce cheminement inévitable pour recréer quelque chose de nouveau. Le phénomène, le contenant, est donc quelque part une réponse aussi parfaite que dégénérée aux changements intérieurs désespérément recherchés par les membres de l'expédition, le contenu.
Sa progression ? "Annihilation" a ce don d'attiser constamment le mystère autour de son Miroitement. Dès le franchissement de sa surface, le film nous fait littéralement ressentir la perte inexplicable de repères temporels des personnages comme un avertissement à la plongée dans l'inconnu qui nous attend. Dans ce Miroitement où plus aucune loi de la biologie ne semble s'appliquer, chaque découverte est synonyme d'un nouveau danger ou d'un émerveillement dans un univers qui ne cesse de surprendre par sa richesse (on aimerait même en voir beaucoup plus, la preuve quelque part que c'est très réussi). Prenant la majeure partie du temps la forme d'un film d'exploration SF, "Annihilation" se pare même de véritables plongées dans l'horreur pure au détour d'une scène cauchemardesque à donner des maux de ventre pendant une décennie ou lors d'un affrontement avec un "résident" des lieux au coup de dent facile, clairement un summum de tension inédit par le malaise mental que la créature inflige en plus à ses potentiels victimes. Et puis, il y a ce point d'orgue final avec la confrontation directe dans le coeur originel du Miroitement...
Son acte final donc ? Difficile d'en parler sans trop en dévoiler mais "Annihilation" y réserve bien sûr là son climax de SF à l'état brut. Disons que le terme "Miroitement" prend ici tout son sens en épousant pleinement la thématique du désir d'autodestruction qui devient ici conscient par l'affrontement (non dénué d'une certaine poésie par la forme d'apprentissage rudimentaire qu'il prend) de sa propre image guérie de ses maux humains. Comme la nature des créatures de cette re-Création, le film nous laisse le champ libre à l'interprétation positive ou négative à donner aux intentions recherchées par l'étrange processus. Sommes-nous face à quelque chose de malfaisant cherchant à s'immiscer et à prendre le contrôle au-delà du Miroitement ou à une "simple" correction de cette anomalie génétique qui nous pousse à mourir de bien des manières que le film a tant mis précédemment en exergue ? Une chose est sûre, la conclusion nous laisse sur une note d'humanité par un semblant d'intimité renouée, enfin débarrassée de ses impuretés, mais, comme l'un des protagonistes qui la vit n'est plus le même pendant que l'autre est d'une nature hybride encore inconnue, une certaine noirceur paraît s'en dégager sur notre propre condition.
On pourrait encore parler de la qualité des acteurs (un excellent casting dominé par une Natalie Portman qu'on n'avait pas vu aussi investie depuis longtemps), des re-créations en elles-mêmes qui, qu'elles soient dangereuses ou non, laissent des images inventives plein de la tête, de la construction temporelle du film plutôt judicieuse permettant toujours de laisser une large place aux énigmes et aux rebondissements qui y répondent ou encore (et surtout) d'une science-fiction brillante renouant avec des faiblesses décidément très humaines comme on en voit désormais rarement... Mais, on ne vous fera pas perdre plus de temps, si vous n'êtes pas encore devant, courez voir le nouveau bijou d'Alex Garland !