Deux personnes pleines de vie, de rêves ; artistes cherchant à Los Angeles, comme tant d'autres avant et après eux, un moyen de vivre de leur art... Petits riens perdus dans une masse de gens aux trajectoires similaires et aux espoirs semblables : Tout mettre en jeu, tout risquer pour tenter sa chance ; essayer à tout prix de réussir pour, peut-être [!], avoir le privilège de vivre de sa passion. Cet "American Dream" exposé dans une extraordinaire scène d'ouverture ayant nécessité près de 6 mois de préparation réunit deux êtres fondamentalement distincts, comme deux exemples de destins tout à fait exceptionnels. Une actrice faisant face à la dure loi d'Hollywood, l'usine à gaz qui fait croire à chacun chacune qu'il est possible de faire carrière alors qu'en fait, celles et ceux qui pénètrent dans le cercle très restreint des célébrités sont des exceptions - et un pianiste de Jazz certes talentueux, mais pourtant très seul avec son espoir de faire du Jazz "à l'ancienne", ce "vrai" Jazz qui le fait vibrer, lui donne envie d'avancer envers et contre tous, car qu'importe que le grand public y soit insensible : Lui, c'est ce qu'il aime. Hasard de circonstances, Mia et Sébastien finissent par se trouver pour vivre une éphémère idylle, ce qui permet à Damien Chazelle de dérouler une réflexion sur le lien entre nos relations humaines, et nos parcours de vie. Le film bascule alors. D'une comédie musicale entrainante sur un amour naissant, La La Land passe au registre dramatique tandis que le couple s'éloigne. Car comment construire quelque chose avec l'autre, quand, sur le plan professionnel, tout est si mouvant ? Est-il seulement possible de tout concilier ? Quant au temps, existe-t-il une bonne façon de l'organiser ? Chacun aura sa réponse. Pour Mia et Sébastien, cet amour qui pourrait durer toujours suit un chemin différent. Quand se croisent les trajectoires individuelles il y a rencontre, ce qui ouvre invariablement un champ des possibles qu'il nous appartient alors de défricher. Pourquoi pas, après tout, qui sait ce qu'il peut en ressortir ? Telle est la vie, et c'est ce qui la rend si belle et si précieuse. Pourtant, La La Land est un drame car elle est cette expérience partagée sans exception par tous les êtres humains : Le "destin", en tant que somme de nos choix, de nos décisions, peut conduire à la "perte" de l'autre ; à sa sortie de notre sphère et à ce que cela suppose : La perte, véritable, d'un potentiel - de ce qui aurait pu être mais qui n'a pas été -, et son corollaire - le regret -. De quoi rester sur une triste idée à condition d'oublier ce regard, ce sourire finalement échangé entre Mia et Sébastien. Il nous engage à comprendre que chaque rencontre est importante, que ce soit pour nous, en tant qu'étape sur la voie de notre propre accomplissement, ou pour l'autre. On pourra toujours déplorer l'éloignement, la fin de quelque chose de grand, de beau ; mais le lien, lui, est tissé pour toujours. Les moments partagés peuvent sortir de notre mémoire, en un sens, ils peuvent être oubliés. Toutefois, ils comptent au moins en tant que moments de notre vie si brève, si précieuse, car ils nous forgent, nous rendent heureux. Ce que nous devenons, nous le devenons grâce aux autres, ces êtres sensibles qui nous entourent et que nous aimons. La La Land n'est pas seulement une grande comédie musicale avec une magnifique musique et de belles chorégraphies ; La La Land est également un grand film, une grande œuvre qui embrasse avec générosité des thèmes communs à tous et n'hésite pas à en faire la critique afin de nous enjoindre à vivre pleinement.