🎶"Go, Go Power Rangers !"🎶
Les quelques notes de ce générique aujourd'hui culte suffisent à raviver tout un tas d'images que notre esprit avait soigneusement rangé dans la partie "trucs un brin honteux dont on ne se servira plus jamais" de ses archives. Ben oui, qu'on le veuille ou non, la simple évocation d'un reboot moderne des "Power Rangers" nous ramène dans une période trouble de l'enfance où l'on prenait notre pied devant d'invraisemblables séquences désormais emmagasinées dans les cerveaux de plusieurs générations.
Des coups d'épées provoquant inexplicablement des millions de vieilles étincelles de soudure au milieu d'affrontements d'un ridicule sans nom, des types habillés en crayons de couleur ayant acheté leurs véhicules/robots/pièces de puzzle géant chez le concessionnaire auto le plus dingo de l'univers, des monstres hystériques (composés à 50% de polystyrène et à 50% d'acteurs ratés) capables de grandir de trois kilomètres de haut en un clin d'oeil, les combats d'un énorme robot en kit avec toujours une arme géante à sa taille au fil des années (il devait y avoir un immense forgeron sous LSD dans le coin), le tout piloté par les Rangers alignés dans sa tête en train d'hurler des répliques magiques d'une même voix, et, pour finir, la cerise sur le gâteau, ces fameuses maquettes de villes ridicules à faire pâlir d'envie n'importe quel blockbuster nord-coréen contemporain...
Voilà, c'était tout ça les Power Rangers, dignes héritiers de "Bioman"! Et ce sont donc ces dizaines de flashbacks gênants qui assaillent notre mémoire à l'idée de découvrir une nouvelle version de ces combattants multicolores à l'ère des Avengers et de leurs copains DC.
Néanmoins, en cours de route, il faut reconnaître qu'on avait un peu oublié qu'il y avait un brin d'histoire derrière ces réminiscences d'âneries. En fait, il est quasiment impossible de se rappeler si on a vu ou non les premiers et les derniers épisodes de toute cette affaire mais on se souvient de manière nostalgique avoir croisé les super-méchants Rita Repulsa et Lord Zedd ou le gentil Zordon avec son petit robot Alpha 5 au cours des aventures répétitives des Power Rangers et on se dit que, finalement, il y avait peut-être une petite mythologie à exploiter avec tous ces personnages en opposition.
D'ailleurs, les premières bandes-annonces "Chroniclesques" de ce nouveau film tendaient à aller dans ce sens en prenant un ton résolument plus sombre et "réaliste", comme pour nous démontrer qu'il y avait bien quelque chose de plus derrière les affrontements pathétiques du robot géant contre des monstres rigolos.
Mais, on avait beau chercher à y croire (enfin un peu), le nom de Dean Israelite à la réalisation faisait tout de même frémir. En effet, on n'était guère rassuré à l'idée de voir le responsable du pathétique "Projet Almanac" (film sur une bande d'ados caricaturaux voyageant dans le temps pour des prétextes aussi futiles que leurs personnalités) s'attaquer de nouveau à des portraits de jeunes destinés à devenir une bande de Rangers intergalactiques d'une potentielle franchise de films...
Pourtant, et étonnamment, ce n'est pas vraiment sur ce point que "Power Rangers" version 2017 va décevoir. Bien sûr, pris individuellement, nos Rangers en devenir sont des clichés adolescents à en faire vomir d'écoeurement même le public de cet âge.
D'ailleurs, leurs présentations introductives respectives sont un calvaire à suivre : la star du lycée en pleine introspection, la fille populaire qui se coupe les cheveux pour recommencer une nouvelle vie, la tête brûlée égocentrique mais qui est un coeur tendre en fait parce qu'il soigne sa môman malade, le génie à la limite de l'autisme et, enfin, la très jolie nouvelle venue mal dans sa peau à cause de son homosexualité qu'elle n'ose révéler à son entourage.
Mais, alors que ce lot de banalités commence sérieusement à nous faire regretter d'être venu, la thématique habituelle de "l'union fait la force" des films de super-héros en équipe va faire son effet, sans grandes étincelles d'originalité certes, mais suffisamment pour que l'on se surprenne à s'attacher à tout ce petit groupe désespérément en quête d'esprit collectif pour enfin enfiler leurs armures de Rangers. Si, individuellement, ils étaient rapidement insupportables, collectivement, ces adolescents révèlent un vrai potentiel insoupçonné.
Il faut dire aussi que la réécriture de la mythologie de la série en arrière-plan fait bien son job avec un certain sens de la nostalgie. De la scène d'introduction nous dévoilant le passé de Ranger vert de Rita Repulsa trahissant tous les siens à la découverte du vaisseau par la nouvelle génération avec Zordon (Bryan Cranston reprenant idéalement son rôle de figure paternelle alien) et Alpha 5, la réinvention de ces éléments fondamentaux d'une histoire de départ tout de même assez faiblarde se montre plutôt convaincante (dans la limite de ses ambitions) pour laisser penser que le film repart sur de bons rails. Aux trois quarts de sa durée, on en vient même à espérer que ce "Power Rangers" va prendre une tournure de blockbuster honorable pour nous livrer un chouette affrontement final sitôt que ces super-héros en herbe auront enfin passé leurs armures pour aller en découdre avec Rita Repulsa.
Mais ça n'arrivera hélas pas.
Le comble d'un long-métrage sur les Power Rangers est quand même de (vraiment) tout rater à partir du moment où ces Power Rangers prêts au combat apparaissent enfin. La dernière partie du film brise tous les espoirs que le reste avait pu susciter en partant dans un n'importe quoi général complètement hallucinant.
On assiste, en effet, médusé à une série de rapides combats tous aussi aberrants les uns que les autres. Entre des dizaines de larbins hommes-caillous qui ne ressemblent à rien (on pense aux hommes-framboises de "Suicide Squad", visiblement ils se sont tous passés le mot pour faire des sous-fifres d'une laideur sans nom), un Goldar promu en monstre géant du film (ce n'était qu'un larbin comique à la base) au design très proche (mais en plus moche) du Destroyer de "Thor" et une Elisabeth Banks insupportable de cabotinage, les vingt dernières minutes sont un véritable cauchemar visuel et auditif qui fait voler en éclats tous les bons points évoqués précédemment. Le pire provient sans doute des Power Rangers eux-mêmes dont on ne reconnaît plus rien des qualités qu'on avait pu leur trouver auparavant (en fait, on ne sait plus trop qui est qui une fois qu'ils sont dans leurs costumes ou leurs véhicules et on s'en fiche royalement). Dean Israelite, apparemment tout content d'enfin passer à l'action, se donne pour mission de tout saccager avec un talent invraisemblable et un manque sidérant d'enjeux empêchant tout implication du spectateur. On aura rarement vu un final qui se veut impressionnant expédié avec un tel brio (vous vous souvenez de celui du reboot des 4 Fantastiques ? Voilà, c'est exactement du même niveau !).Et, en guise de pompon ultime, préparez-vous à un grand éclat de rire avec l'introduction gênante du générique "Go, Go, Power Rangers" pendant une scène d'à peine 10 secondes où tous les Zords roulent ensemble.
On a beau se rassurer en se disant que les personnes responsables du montage/charcutage de cette dernière partie doivent dormir dans une prison à l'heure qu'il est (il ne peut en être autrement, hein ? HEIN ?), rien n'y fait et le générique de fin apparaît ainsi comme une lumière de soulagement au bout de ce tunnel final catastrophique.
Alors qu'il avait réussi l'impensable en tenant les promesses d'un honnête reboot d'une saga plus connue pour son côté kitch rigolo que pour ses ambitions, Dean Israelite passe complètement à côté de la ligne d'arrivée en livrant une des pires fins de l'histoire des blockbusters qu'il ait été donné de voir.
Néanmoins, on n'oubliera pas le potentiel entrevu dans l'esprit d'équipe de ces nouveaux Power Rangers et on espère que, dans les suites à venir (et il y en aura), un autre réalisateur plus talentueux saura l'exploiter pleinement...