Mes attentes pour ce "Logan" étaient extrêmement élevées. Très honnêtement, rarement de bande-annonce ne m'avait autant vendu du rêve, et la déception était difficilement évitable.
L'année dernière, "X-Men Apocalypse" s'est déjà avéré être une semi-déception, ayant le malheur de passer après le génial "Days of future past" (jusqu'ici le meilleur film de la saga). Et chose étonnante, James Mangold lui a livré une bien meilleure suite que Bryan Singer.
C'est que "Logan" est un vrai miracle, une vraie belle oeuvre qui tire vers le haut le genre super-héroique comme l'a déjà fait Christopher Nolan avant lui.
Dès la première scène qui fait office de géniale note d'intention, on sent que Mangold a tout compris à ce qu'il raconte: Logan est un être fatigué par le poids des années, plus humain que jamais et qui n'a pourtant jamais été aussi brutal. La noirceur de l'histoire et de ses personnages est d'une pertinence totale: après 17 ans à s'être attaché aux personnages de Hugh Jackman et Patrick Stewart, les voir dans un état pareil fait forcément chaud au coeur et apporte au film un cachet unique.
J'admire beaucoup le travail scénaristique opéré sur le film. L'histoire est d'une simplicité et d'une limpidité totale, me rappelant par moment "Les fils de l'homme", le chef d'oeuvre de Alfonso Cuaron. C'est qu'il ne faut pas confondre un scénario simple et un scénario simpliste, et comme un "Mad Max: Fury Road" avant lui, "Logan" raconte énormément de choses tout en se tenant à une intrigue extrêmement efficace.
Le film traite toujours de l'oppression des minorités que sont les mutants, développe d'autres thématiques comme les OGM (!) et fait une analogie troublante avec l'état de l'Amérique d'aujourd'hui en mettant en scène
des personnages mexicains qui veulent émigrer au Canada
. L'Amérique dans laquelle prend place "Logan" est un pays perdu où la violence et le danger ne quittent jamais les personnages,
même chez une paisible famille de fermiers
. Tout cela apporte une noirceur bienvenue et une tension permanente au récit.
Certains pourront reprocher que l'histoire manque de surprises (et encore, ce n'est pas vrai, j'y reviendrais).
Bien sur que l'on se doute que Wolverine, Charles Xavier et Caliban n'iront jamais acheter le Sunseeker et n'auront jamais une vie paisible. Bien sur que l'on se doute que l'ancien professeur X va y passer vu son état lamentable; tout comme on se doute que Wolverine va connaitre une mort héroique vu son âge et l'annonce du film comme étant le dernier de Hugh Jackman.
Est-ce que ça enlève pour autant de la force à l'histoire ? Non, bien sur que non. On est limite dans de l'ironie dramatique, mais ça n'enlève rien à l'émotion du récit; on a envie que les personnages réussissent et atteignent leur but, et rien que pour ça, le film est déjà partiellement réussi.
Le scénario m'offre exactement ce que j'espérais pour un ultime volet de tout un pan de cette saga:
il développe davantage la relation père-fils qui unit Logan à Xavier et leur offre à chacun une conclusion bouleversante. Dans l'ensemble, j'adore la relation familiale qui se crée entre les deux personnages et Laura, voir même avec Caliban
. C'est juste très beau, et l'écriture est remarquable, montrant tout en simplicité que ces personnages, même si ils ont des mots durs, s'aiment profondément.
J'aime particulièrement la caractérisation du professeur Xavier: jamais on ne l'avait vu comme ça, à la fois complètement sénile et vulgaire mais faisant preuve aussi d'une compassion fidèle à lui-même.
Rien que cette scène où ils sont dans l'hôtel et regardent le film "Shane" est géniale: voir le professeur avec son chapeau (important, le chapeau) parler de la première fois où il a vu le film à Laura comme un grand-père le ferait à son petit-enfant est très touchant
. Finalement, Mangold fait comme Clint Eastwood avant lui avec "Impitoyable": il démystifie ses personnages, les rend plus humains et donc plus attachant que jamais.
Contrairement à beaucoup, je n'ai absolument pas été gêné par les antagonistes: Donald Pierce et le Dr Rice représentent avant tout la menace sourde qui poursuit continuellement le trio principal et sont loin, très loin d'être le centre du film. Ils ne sont certes pas marquants mais ce n'est pas le but, et encore ça reste discutable tant j'ai trouvé le personnage de Pierce suffisamment détestable. Le Dr Rice, quand à lui, est un personnage plutôt sobre qui ne tombe pas dans le cliché du savant fou et c'est déjà très bien.
Pour ce qui est
du fameux X-24, j'aime assez l'idée de confronter Logan à lui-même et d'en faire son plus grand ennemi. L'arrivée du personnage n'est pas si absurde que ça, surtout qu'il est brièvement teasé dans la vidéo sur le portable de la mexicaine et qu'il est finalement l'étape logique après la création de Laura.
Ce qui me dérangerait plus le concernant est
le meurtre de Xavier: la scène est bien trop rapide et aurait sûrement pu être bien plus bouleversante. Même reproche pour la mort de Logan qui aurait pu être plus émouvante encore mais c'est léger: la scène en elle-même est suffisamment réussie et est quand même arrivé à me foutre la larme à l'oeil, ce qui est un joli exploit.
C'est sûrement grâce à Hugh Jackman qui, comme le reste du casting, s'implique à fond dans son rôle. Je m'étais déjà fait la même réflexion pour "Days of future past" mais jamais l'acteur ne m'a paru aussi classe et charismatique: c'est probablement sa plus belle prestation avec celle de "Prisoners". Jackman est particulièrement émouvant
lors de l'enterrement de Xavier (scène tout en retenue qui n'en est que plus belle) et bien sur la scène de sa mort.
A côté, Patrick Stewart est bien sur toujours aussi génial dans le rôle, mais c'est surtout la petite Dafne Keen qui crève l'écran: incroyablement magnétique et charismatique, l'interprète de Laura est bluffante et exprime maintes émotions seulement grâce à son regard.
D'un point de vue formel, "Logan" est aussi une belle réussite: Mangold est en pleine possession de ses moyens et ça se voit. La mise en scène est toujours très fluide et élégante: peut-être que ça manque de personnalité; Mangold ressemblant à vue d'oeil à un faiseur de luxe mais qu'importe tant le tout est très bien filmé.
Il faut dire aussi que le génial John Mathieson, le directeur photo derrière "Gladiator" et autres claques visuelles de Ridley Scott, apporte son cachet au film. L'image est toujours extrêmement très bien composée et d'une beauté crépusculaire qui n'est pas sans rappeler le travail de John Seale sur le dernier "Mad Max" (encore lui).
Le travail opéré sur les scènes d'actions m'a entièrement convaincu: c'est brutal, bien filmé, bien chorégraphié et oui, comme ça a déjà été dit partout, ça saigne et ça fait du bien. Les combats n'en sont du coup que plus crédibles, plus prenants et surtout bien plus graves. Mangold se permet même quelques trouvailles comme cette superbe scène
où Logan massacre des hommes de mains à l'hôtel tandis que Xavier fait une "crise".
Tout ça pour dire que oui, James Mangold a réussi son pari finalement peu évident et délivre, plus qu'un grand film super-héroique, une grande oeuvre. "Logan" fais le choix gagnant d'être un film intimiste qui se concentre sur ses personnages et leurs relations; une constante fuite en avant à la fois brutale et lyrique qui fait office d'adieu déchirant.
Bref, c'est tout ce que j'admire profondément. Et Mangold de réaliser le meilleur film de la saga X-Men, et tout simplement l'un des meilleurs films de super-héros de ces dernières années avec la trilogie de Nolan, la trilogie de Raimi et les X-Men de Bryan Singer.
Immanquable.
Sur ce, je vais m'écouter "Hurt" de Johnny Cash.