Certes, il convient d"éviter, autant que faire se peut, les spoilers quand on rédige une critique de film. Mais, en l'occurrence, je ne dévoilerai pas grand chose en révélant d'emblée qu'il est question ici d'un homme qui s'habille en femme! Tout le monde le sait ou l'aura deviné!
Tout commence avec une histoire d'amitié, celle qui lie "à la vie, à la mort", depuis l'enfance, Claire et Laura. Et c'est la mort qui, précisément, s'invite pour y mettre un terme. Laura meurt des suites d'une maladie et Claire (Anaïs Demoustier), à ses obsèques, jure qu'elle prendra soin du bébé de la défunte ainsi que... du papa! Le père, devenu veuf, c'est David (Romain Duris) et c'est lui qui, très vite, sera surpris ayant revêtu les habits de la défunte et donnant le biberon à son enfant! On l'imagine, la première réaction de Claire, c'est d'être choquée et effarée. Mais ce réflexe scandalisé laisse rapidement place à autre chose, à une relation ambiguë faite de fascination, d'étonnement, d'amusement et de méfiance. D'autant plus que Claire vit avec un compagnon à qui elle est incapable d'avouer la vérité. Elle s'installe dans le mensonge en entretenant avec David (à qui elle donne le prénom de Virginia) une relation trouble qu'elle ne saurait sans doute elle-même définir. Quant à David, s'il déclare ne pas être homosexuel, il s'identifie tellement à son double féminin Virginia que c'est quand il revêt ses habits d'homme qu'il paraît le plus perdu ou le plus déphasé.
François Ozon, le réalisateur, décidément porte bien son nom! Il ose, il aborde avec audace des sujets qui paraîtront peut-être scabreux à certains, mais il le fait toujours avec intelligence, sans jamais chercher ni à choquer pour le seul plaisir de choquer ni à militer pour quelque cause que ce soit. Il oriente volontiers sa caméra vers les marges, il scrute des personnages hors normes, mais c'est toujours en préservant la part du mystère. Dans "Jeune et jolie", il se gardait bien d'expliquer pourquoi son héroïne de 17 ans se prostituait. Dans "Une nouvelle amie", David, surpris en habits de femme, bafouille bien quelques mots d'explication à Claire qui l'a surpris, mais c'est uniquement en forme d'excuses embarrassées. On ne sait pas vraiment pourquoi il se complaît tellement dans son double féminin et c'est tant mieux. On le devine à la fois heureux de se travestir et comme intrigué par sa propre identité aux contours flous. Un plan très rapide et bouleversant le montre même en plein désarroi. Mais ce qui intéresse aussi et surtout François Ozon, c'est le regard d'autrui, le regard de Claire et des autres personnages qui interviennent au cours du film quand ils découvrent que David se travestit en femme. Cela donne d'ailleurs à certaines scènes un ton humoristique qui est le bienvenu. Mais cela nous confronte, nous aussi, les spectateurs, à notre propre regard. Serons-nous effarouchés, intrigués, perplexes, voyeurs, indulgents, compatissants, sympathisants, ou que sais-je encore? Ce qui est sûr, c'est que François Ozon a réussi, une fois de plus, un grand film et une belle invitation au respect d'autrui. 8,5/10