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    Jeanne Dielman 23, Quai Du Commerce, 1080 Bruxelles
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    Alaska
    Alaska

    3 abonnés 2 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 1 novembre 2024
    Excellent film évidemment pas fait pour ceux qui ne supportent pas les plans longs ou il faut un peu réfléchir et patienter... l'attente où il ne se passe"rien" vaut toute votre attention tant la fin est formidable et bouleversante.
    QuelquesFilms.fr
    QuelquesFilms.fr

    267 abonnés 1 637 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 18 octobre 2024
    Une expérience unique, radicale, à la limite de l’expérimental. Chantal Akerman, dont c’était le troisième long-métrage après Hôtel Monterey et Je, tu, il, elle, montre dans les menus détails le quotidien d’une ménagère, capté en plans fixes, souvent en silence (il y a peu de dialogues dans le film) et en longueur de temps (3 h 20 !). Un quotidien ordonné et ritualisé de manière obsessionnelle, montré dans ce qu’il a d’ordinaire (ranger, nettoyer, faire les courses, préparer les repas…) et d’extraordinaire apparemment (se prostituer). Mais l’extraordinaire est ici complètement intégré à l’ordinaire, à l’ordre des choses, avec une maîtrise égale, placide et absolue de l’espace et du temps domestiques.
    La mise en scène de Chantal Akerman et l’interprétation de Delphine Seyrig (Jeanne Dielman) sont d’une minutie incroyables, donnant naissance à un ballet domestique, petit joyau d’horlogerie gestuelle du quotidien, réglé comme du papier à musique et rythmé par les sons de la vie, amplifiés, métronomiques. Alors, bien sûr, habitués que nous sommes aux ellipses de la banalité au cinéma, il arrive que l’on se lasse au sein de séquences qui s’étirent en longueur. Mais l’acceptation de ce principe de réalité et de cette expérience du temps vaut la peine, car tout l’intérêt du film va résider, de façon minimaliste et infiniment subtile, dans la comparaison entre le premier jour du récit et les deuxième et troisième jours, et dans l’observation d’un dérèglement progressif. Une coiffure légèrement ébouriffée, une démarche moins assurée, des pommes de terre trop cuites, une robe de chambre partiellement boutonnée, de petites maladresses, des oublis, des airs rêveurs, un manque de réactivité… Le temps semble passer différemment. Le contrôle de Jeanne Dielman sur son quotidien semble se dissoudre peu à peu. Ce petit jeu de comparaison d’un jour sur l’autre, offert au regard et aux oreilles du spectateur, est assez fascinant. Et mystérieux. Que s’est-il passé dans l’intimité de la chambre, avec le client du deuxième jour, pour que tout se dérègle ensuite ? Comment expliquer le geste de Jeanne après la passe du troisième jour ?
    La richesse du film est dans le trouble puissant qu’il génère et dans le champ d’interprétations qu’il ouvre. On pourrait voir dans cette histoire la révolte intime d’une femme face à des formes d’aliénation domestique et de domination masculine, la révolte féministe d’une ménagère-prostituée épuisée d’ennui routinier, de vide existentiel, de dépossession d’elle-même. Mais ça ne colle pas totalement à la réalité de ce qui est montré. Car, si la vie de Jeanne Dielman fonctionne en vase clos, si cette femme apparaît comme une prisonnière de ses habitudes, c’est une prisonnière volontaire et apparemment satisfaite de sa routine. Elle a choisi cette organisation de vie à sa convenance ; elle a choisi la prostitution plutôt que de se remarier et de devoir se « réhabituer » à quelqu’un après son veuvage. Elle ne semble pas contrainte, encore moins victime, et fait d’ailleurs son possible, dans les deuxième et troisième jours du récit, pour rétablir l’ordre qui lui échappe.
    La clé, pour donner du sens au dénouement, est dans l’interprétation que l’on fait de la scène de sexe avec le client du troisième jour, mélange de sidération, de violence et de jouissance étouffées. Mélange qui laisse Jeanne hagarde et qui fait penser, comme cela a été confirmé par Chantal Akerman dans plusieurs interviews, qu’elle a connu la même situation avec le client du deuxième jour (scène non montrée à l’écran). C’est donc l’éveil violent de son plaisir sexuel qui a déstabilisé cette femme, elle qui n’avait du sexe qu’une approche anecdotique (dans le cadre conjugal) ou utilitaire (se prostituer pour assurer ensuite les besoins du foyer). En conséquence, dans le sillage de l’excellente analyse d’Alexandre Moussa sur le site Critikat, on pourrait considérer que cette « révélation » sexuelle constitue un insupportable désordre pour celle qui a fait de l’ordre son principe de vie, une terrible remise en question (ouvrant la vision de ce qu’aurait pu être sa vie en dehors du balisage aseptisé et rassurant qui a annihilé toute conscience de sa condition) et une insurmontable perte de contrôle à laquelle elle ne peut plus répondre que pulsionnellement, par un geste fatal, destructeur et autodestructeur. Au final, ce film est ainsi l’une des illustrations les plus singulières et saisissantes de la jouissance vécue comme une petite mort. Littéralement.
    Iloonoyeil
    Iloonoyeil

    26 abonnés 219 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 16 septembre 2024
    Bonjour tout le monde,

    Chantal Ackerman enfante une œuvre cinématographique tranquillement radicale sur la condition féminine.

    Jeanne Dielman vit seule avec son fils lycéen.

    En ayant vu ce film , voilà ce qu'il me vient à l' esprit et que je couche sur l ' écran électronique :

    - Deux cent une minutes de plans séquences, tous fixes, enchassent Jeanne Dielman dans une prison sans barreau qui est son appartement.

    - Le ton sobre des rares comédiens peut évoquer le style de Robert Bresson.

    - L' ' avalanche ritualisée des gestes du quotidien de Jeanne Dielman nous donne des frissons face aux aliénations quotidiennes et aux gestes répétitifs et effrayants de banalité de Jeanne Dielman.

    - Delphine Seyrig, qui incarne Jeanne Dielman, est totalement juste et impressionnante de force fragile.

    -Probablement , un néon vacillant bleuté donne une impression rythmée, un peu comme du " morse", sur une armoire du salon du petit meublé de Jeanne Dielman lors des plans séquences fixes nocturnes,

    -201 minutes décrivent trois journées de la vie de Jeanne Dielman.

    - Dehors , Jeanne Dielman ne se promène point car elle accomplit des tâches précises.

    - Le métier de Jeanne Dielman se réalise et elle le subit dans ce petit appartement évidemment.

    - Aucune musique ne vient polluer les sons qui découlent des gestes quotidiens de Jeanne Dielman dans son logis sobre, terne et froid.

    - Les rares dialogues sont ceux, banaux, de la vie quotidienne entre sa mère et son fils, ou bien ceux de Jeanne Dielman avec ses clients qui viennent et partent , anonymes et familiers ce qui procurent une inquiétante étrangeté en voyant cela dans la salle de cinéma et avec ce "maître film"nous nous interrogeons sur nos gestes quotidiens, chez nous, ainsi que sur leurs sens réels ...........

    - La" chorégraphie" des gestes de ménagère du quotidien de Jeanne Dielman nous saisit abruptement et on peut penser que Chantal Ackerman dénonce avec une simplicité intense l' aliénation, convenable et pesante, des ménagères des années 1960 / 1970 environ. Et maintenant est-ce que cela dure et perdure ?

    - "Jeanne Dielman 23 , quai du commerce 1080 Bruxelles" se veut film sur la solitude subit et sordide dans sa banalité inique.

    - Pour ce qui a trait à l' essentiel, les relations entre les hommes et les femmes ont- elles si fortement évoluées en une cinquantaine d' années ?

    - Les bruits des gestes de Jeanne Dielman,dans son appartement - prison mentale, sont comme les bruits des machines en usine et nous pensons au film " Les temps modernes" de Charles Chaplin plus particulièrement.

    - La reproduction des gestes du quotidien , jour après jour, comme une antidote résistible au temps qui s'écoule irrésistiblement , seconde après seconde...........

    - Il y a un avant et un après , pour tout spectateur, après avoir vu , plus exactement reçu , ce film labyrinthe où tourne Jeanne Dielman entourée des sons familiers de son appartement.

    - Les modulations et les inflections de la voix mystérieuse et singulière de Delphine Seyrig amplifient le mal être tranquille de Jeanne Dielman jusqu'à ce que ..............

    - Les plans séquences en ville , où Jeanne Dielman va, sont à l' unisson des bruits secs et obsédants de ceux de son appartement.

    - Presqu' aucune place pour des sons vivifiants sauf, pour une dizaine de secondes, où on entend un chant d ' oiseaux un matin ........


    En somme , l' imprévu inquiétant peut naître d' une avalanche d' habitude ordinaire !

    Puis nous voyons ce terrifiant plan séquence fixe où Jeanne Dielman est figée , assise chez elle et elle pense , immobile ou presque et elle .............

    Chantal Ackerman signe un chef d'œuvre au rythme singulier qui touche toute personne et pose sobrement des questions essentielles et intemporelles ................

    Évidemment , mon point de vue est partiel et incomplet car quelques fois des œuvres cinématographiques sont irréductibles, incroyables et incernables par des mots et cela est heureux je trouve .............Je suis très intéressé de connaître votre point de vue sur ce film essentiel de l' histoire du cinématographe.Qu' en pensez- vous ?

    Amicalement.

    Gérard Michel
    LNKRDRN
    LNKRDRN

    2 abonnés 659 critiques Suivre son activité

    2,5
    Publiée le 29 juin 2024
    Un film un peu trop long pour ce qu'il est.

    La mise en scène de ce film est très intéressante et la longueur des plans justifient bien son message.

    Mais le film est trahit par sa longueur! Dès que nous avons comprit où il veux en venir, il devient inintéressant!

    Malgré les quelques nouveauté qui s'ajoutent au fil des plans, ça reste très minime...

    À voir.
    Alolfer
    Alolfer

    125 abonnés 1 137 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 8 juin 2024
    Chantal Akerman, en un seul film, a révolutionné son genre. Sans aucun doute, ce film est parfait ! Fascinant dans par sa mise en scène unique et radicale. Durant près de 3h20, Akerman nous plonge dans une vie banale d'une femme au foyer, marquée par une profonde solitude. Il est difficile d'en dire davantage au risque de dévoiler les surprises. Au mieux, je pourrais dire que vous trouvez ce film ennuyeux, c est votre vie qu'il faut remettre en question mais pas seulement : Également, c'est la société qui nous entoure, qu'il faudrait remettre en question. Chantal Akerman, avec l'aide de son personnage principale, denonce tellement de choses, sans pour autant passer par l'excès. C est brillant en termes de mise en scène ; même révolutionnaire ! Je n'ai jamais vu un film réalisé comme ceci. Je pense sincèrement, que ce film a inspiré de grands cinéastes. Également, sa construction scenaristique est brillantissime ! Par le biais de petits détails, Le scénario de "Jeanne Dielman, 23 quai du commerce, 1080 Bruxelles" amplifie ce côté "immersif" de la VIE. Honnêtement, on ressort de ce film bouleversé. Par le ressentiment de longueur du personnage, de la vie de cette femme. La Realisatrice laisse planer le doute à nous, spectateurs, se demandant, ce que l'on vient de regarder.Et plus on avance dans l'histoire, plus l'émotion apparaît, plus la sympathie envers ce personnage, plus on se sent comme chez soi. Un film révolutionnaire ! Et tout ce vient, non pas d'un réalisateur mais d'une realisatrice !
    Anne CC
    Anne CC

    10 abonnés 70 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 8 avril 2024
    Vu dans le cadre d'un ciné-club.
    Une femme au foyer, veuve et son fils dans un petit appartement à Bruxelles. En huis-clos, sa routine, son rdv avec un homme au quotidien, ses gestes contrôlés puis désordonnés.
    Femme qui maîtrise totalement son quotidien, sa relation avec les autres, spoiler: jusqu'à la scène finale où la perte de contrôle sur sa sexualité va la dépasser et la rendre intolérable.

    Film très lent et long avec peu de dialogues qui permet de porter une attention particulière aux objets du quotidien et de s'interroger sur leur espace.
    Fenêtre sur salle
    Fenêtre sur salle

    66 abonnés 208 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 5 juillet 2023
    La perspective de voir un film de 3h20, avec peu de dialogues et composé exclusivement de longs plans fixes sur des actions du quotidien a nécessité une certaine forme de préparation mentale, je l'avoue. Peur de trouver le temps trop long, de ne pas rentrer dedans, ou pire encore de m’endormir, mais également de voir mes attentes déçues devant une oeuvre de 1976 qui a tout de même été élue meilleur film de tous les temps par Sight & Sound, il y a peu.

    Autant ne pas faire durer le suspense : je me suis pris une claque de cinéma monumentale.

    Pas de sentiment d’ennui donc, j’ai au contraire été captivé de bout en bout. Avec ses faux airs de prémices de télé-réalité, c’est au contraire un film très mis en scène et qui ne se veut pas naturaliste. C’est grâce au génie de sa réalisation ultra pensée que Chantal Akerman parvient à créer une tension, un suspense, presque Hitchockien, à partir de rien, d’actions aussi banales que préparer du café, paner des escalopes de veau ou cirer des chaussures.

    Totalement fasciné, comme hypnotisé par la répétition de ces actions familières, j’ai observé et détaillé chacun des gestes, essayant de comprendre à quelles lois obéissait cette routine millimétrée et de guetter le moment où elle allait nécessairement s’enrayer.

    Je n'ai pu détacher mes yeux de l'écran une seule seconde, le charisme et la performance de Delphine Seyrig y étant également pour beaucoup. Elle incarne cette femme qui s'interdit tout plaisir, en s'enfermant avec aliénation dans ce modèle patriarcal, où tout doit rester sous contrôle. Jusqu’à ce que, justement, ce plaisir surgisse de manière imprévue et vienne tout dérégler, le personnage perdant alors petit à petit le contrôle. Le jeu de l’actrice devient alors vertigineux (scène d’épluchage de pommes de terre inoubliable), jusqu'à un final sidérant.

    Jeanne Dielman est un film immense dont je me sens encore imprégné plusieurs jours après.

    Ma page ciné insta : fenetre_sur_salle
    Pascal
    Pascal

    159 abonnés 1 641 critiques Suivre son activité

    3,5
    Publiée le 19 juillet 2023
    La ressortie en salles de " Jeanne Dielman", réalisation mythique de la cinéaste Belge Chantal Akerman ( considéré même par un classement anglo saxon récent comme le meilleur film de l'Histoire du cinéma) permet d'évaluer, près d'un demi siècle après sa réalisation, sa pérennité, sa pertinence dans son regard sur l'existence.

    Héritière de Bresson, Akerman propose un regard sur le réalisme de la médiocrité à travers le portrait au scalpel de ce qu'est une vie mutilée par sa banalité.

    Delphine Seyrig interprète avec justesse et retenue ce personnage de femme ( sans doute atteinte de névrose obsessionnelle) qui prend conscience du vide, du manque de sens qu'elle a donné à son existence.

    Contrairement à ce que j'avais pu lire, le film n'est pas répétitif, mais parvient au contraire, à renouveler ( certes dans les détails) les scènes quotidiennes et ne tombe jamais dans une exposition qui serait expérimentale.

    Certes, sa longueur ( 3h20) peut rebuter à priori, mais cet opus de Akerman se suit avec intérêt jusqu'à son terme .

    Toutefois, il faut reconnaître qu'il s'adresse, avant tout, à l'amateur d'un certain cinéma d'auteur ( les aficionados des films de Bresson et de Duras seront comblés, ainsi que les lecteurs de Cioran ou de Thomas Bernhard).

    La destinée personnelle de la cinéaste s'éclaire peut-être avec le profil ( pessimiste ou réaliste ?) du personnage principal de ce film exigeant, qui donne envie de revenir sur l'ensemble de la filmographie d'Akerman et au passage de regarder autour et à l'intérieur de soi.

    " Jeanne Dielman" appartient selon moi à la liste des films pivot de l'Histoire du septième art.
    filmoholic
    filmoholic

    1 abonné 5 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 1 juin 2023
    Les meilleures trois heures et dix-huit minutes de ma vie. Chantal Akerman a créé un film très puissant et Delphine Seyrig est l'actrice parfaite pour incarner le personnage de Jeanne.
    jroux86
    jroux86

    7 abonnés 46 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 23 mai 2023
    Jeanne Dielman n’est pas un film facile. L’action se déroule sur trois jours et se focalise sur le quotidien de Jeanne, veuve et mère au foyer, la plupart du temps dans son appartement bruxellois. Le linge, la vaisselle, le ménage, la cuisine remplissent ses journées qui ne s’achèvent qu’avec le retour du lycée d’un fils taiseux, qu’elle élève seule. Il y a les passes aussi, l’après-midi, pendant la cuisson des pommes de terre. Durant ces journées qui ressemblent à toutes les autres, peu de mots sont échangés, peu de musique pour égayer la morne routine. La caméra d’Akerman se concentre exclusivement sur les gestes de Jeanne, rythmant son quotidien comme le film, s’attardant sur leur aspect répétitif, cérémoniel. Ces gestes sont sûrs, ostensiblement sûrs, précis, presque implacables. Ils sont montrés dans leur durée quasi réelle - ainsi lorsque Jeanne fait la vaisselle, dos à la caméra, on la voit laver puis rincer du premier au dernier couvert. Cette gestuelle, orchestrée avec beaucoup de soin, forme une boucle infernale, un rituel qu’on devine immuable dans lequel s’est enfermé le personnage - comme tant d’autres.

    Afin de nous faire éprouver ce quotidien très répétitif, Chantal Akerman mise sur la longueur des plans et étire ceux-ci à n’en plus finir. L’attention du spectateur est donc mise à rude épreuve mais cette litanie de gestes est découpée et cadrée avec une telle précision - l’importance des raccords avec ces portes qui s’ouvrent et se ferment, ces lumières qui s’allument puis s’éteignent - que, curieusement, l’intérêt se maintient. A cette série de longs plans s’ajoutent des éléments dont la présence intrigue : le soir, dans la salle à manger, cette lumière provenant de l’extérieur et qui ne cesse de clignoter ; ou encore cette chambre au fond du couloir dans laquelle Jeanne se vend à des inconnus, chambre qui se trouve entre la salle à manger et la cuisine, témoin (ou peut-être juge) des incessants va-et-vient de l’héroïne. Sont-ils le signe d’une catastrophe imminente ?

    Et puis vient le moment de bascule, presque imperceptible. Un grain de sable dans cette mécanique du quotidien dans laquelle nous nous sommes lentement mais sûrement laissés embarquer. Tout va se dérégler dans la vie de Jeanne et qui, à part nous, peut s’en apercevoir ? Car c’est dans les infimes détails de cette mécanique, qu’on a vue parfaitement huilée, que va se situer une fêlure, peut-être jusque-là évoquée de manière très lointaine, presque abstraite. A compter de cet instant, la tension sera de tous les plans : un bouton de robe de chambre qui n’a pas été correctement attaché, un couteau qui tombe, un regard un peu absent… Que se passe-t-il dans la tête de Jeanne ? Serait-elle en train de sombrer ? Que cache cette fragilité qui s’incarne soudainement dans les tout petits détails de sa monotone existence ? Et c’est précisément là que le génie d’Akerman nous éclate à la figure. C’est parce que la radicalité de sa mise en scène nous a fait ressentir l’immensité du gouffre au bord duquel Jeanne se trouvait que nous nous mettons à chercher les signes, minuscules, du désastre qui s’annonce. C’est parce que chacun des gestes, chacun des plans s’est répété ad nauseam que cette chorégraphie de l’ordinaire, devenue grâce au lent écoulement du temps si familière, révèle ce qui s’y cachait : la fragilité de l’héroïne.

    Un exemple parmi tant d’autres : lors du deuxième jour, avant que tout ne bascule, Jeanne cire les chaussures de son fils au petit matin. Elle procède de manière très méthodique, avec des gestes secs : d’abord la cire, ensuite la brosse, enfin le chiffon. Et puis, le jour d’après, la même scène, mais entre-temps il y a eu le grain de sable. Cette fois-ci, et la nuance est importante, les gestes sont effectués dans un ordre différent. Et étrangement, dans ce presque rien, la tension est palpable. Pourquoi l’ordre a-t-il changé ? Pourquoi Jeanne a-t-elle oublié de passer le chiffon ? Que lui arrive-t-il ? Le regard du spectateur se retrouve suspendu au moindre changement dans la gestuelle millimétrée du personnage, remarquablement interprété par Delphine Seyrig. Le diable n’a, au cinéma, sans doute jamais été autant dans les détails. Fascinant.
    AK13
    AK13

    20 critiques Suivre son activité

    4,5
    Publiée le 21 mai 2023
    Ce film est bien plus qu'un enchaînement de plans fixes sur de l'épluchage de pommes de terre ou de repas silencieux. C'est un chef d'œuvre sur la condition d'une femme dans sa banalité et sa gravité la plus profonde, avec des scènes remplies d'émotions parfois les plus indicibles et qui maintiennent le spectateur en tension tout au long du film. La fin est magistrale.
    Patricia D.
    Patricia D.

    72 abonnés 181 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 8 mai 2023
    Cet après-midi, j'ai pris 3h20 de mon temps pour voir enfin "Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles", tourné en 1975 et proposé aujourd'hui en version restaurée. Ce film monument de Chantal Akerman avec Delphine Seyrig a été récemment désigné comme le plus grand film de tous les temps par la revue Sight and Sound et le British Film Institute. Imaginé et réalisé par une femme et une équipe technique largement féminine, interprété par une femme, le film Jeanne Dielman montre, uniquement en plans fixes et sur trois jounées, l'activité domestique d'une femme filmée le plus souvent dans sa cuisine. Jeanne Dielman est veuve. Elle vit avec son fils lycéen à qui elle consacre l'essentiel de ses journées et qu'elle retrouve le soir. Elle se livre épisodiquement à la prostitution et reçoit chez elle, chaque après-midi, un homme attitré.
    La première journée est montrée avec force détails, dans une maniaquerie qui frise l'obsession. Les dialogues sont très rares et l'incroyable présence de Delphine Seyrig remplit l'écran. On retrouve les routines de Jeanne au cours de la deuxième journée, des journées qui enchaînent des rituels d'insignifiance. Les bruits de la rue et des talons de Jeanne dans l'appartement sont omniprésents. Puis insensiblement, on constate des écarts dans les rituels, un dérèglement des habitudes. La forme du film épouse parfaitement la vacuité abyssale vécue par le personnage principal. J'ai fini par m'interroger : qui de Jeanne ou de moi allait finir par craquer, par exploser sous l'ennui ?... Et c'est Jeanne, d'une manière brutale et totalement inattendue, qui a rompu la monotonie et pulvérisé la désolation. La salle quasi pleine a été parcourue d'un frisson sonore et l'empathie a accompagné les dernières minutes si lourdes du film.
    J'ai vécu cet après-midi une expérience de cinéma très certainement durable.
    Jfc5033
    Jfc5033

    2 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 2 mai 2023
    Une œuvre de douleur qui vient de très loin. Ne perdons pas de vue que Chantal Akerman n'avait que 25 ans lors de sa réalisation. Film peut-être éprouvant mais lucide.
    Cat37
    Cat37

    1 critique Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 30 avril 2023
    Complètement moderne des decennies plus tard
    On a loué l'éclairage mais la bande son n'est pas en reste
    evariste75
    evariste75

    151 abonnés 168 critiques Suivre son activité

    0,5
    Publiée le 28 avril 2023
    Le film le plus rasoir que j'aie jamais vu !... Comment a-t-il pu être qualifié de "meilleur film de tous les temps " ?? Personnages mutiques, lumière blafarde, musique inexistante, que peut-on trouver à ce film ?
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