Voilà un film intriguant -et anachronique. Quoi! au XXIème siècle, faire un film sur la guerre d'Indochine (celle des Français, celle du Nord), alors que les Américains ne font même plus de films sur la guerre du Vietnam (celle des US, celle du Sud)?
Les premières images, d'une stupéfiante beauté (ces collines coniques, recouvertes d'une végétation drue, serrées les unes contre les autres et émergeant de la brume...) nous font immédiatement penser à Pierre Schoendoerffer. On est éblouis, fascinés....
Le personnage du jeune héros perdu, déboussolé, enfermé dans sa rage, participe, lui aussi, du même univers. Robert, engagé dans l'armée, est parti voir son frère qui vit dans le Nord, avec sa jeune femme enceinte, juste au moment où les Japonais se livrent à un abominable massacre des populations civiles. Robert survit par miracle. On le voit émerger de dessous un amoncellement de cadavres, dans une fosse, et parvenir à s'enfuir. Guillaume Nicloux, ça doit être ça la modernité, se complaît aux images bien gores de corps démembrés que son illustre prédécesseur aurait sans nul doute évitées... Il a vu un des lieutenants d'Ho Chi Minh assister impassible aux exactions japonaises. Robert n'a plus qu'une idée fixe: le retrouver et lui faire payer. Quête absurde, qui le conduit à utiliser des prisonniers Viet Minh, recrues bien peu fiables...., Mutique, enfermé en lui même, il est incapable d'être autre chose que violent, même vis à vis de son frère d'armes et copain Cavagna (Guillaume Gouix), même vis à vis de la petite prostituée dont il est tombé amoureux, Mai (Lang-Khe Tran). Gaspard Uliel, bien loin des charmants jeunes hommes romantiques qu'il a pu interpréter, est saisissant dans ce rôle aux frontières de la folie.
Enfin, il y a Saintonge, remarquablement interprété lui aussi par l'énorme -dans tous les sens du terme!- Gérard Depardieu, écrivain amoureux du Vietnam, qui a perdu successivement sa femme et son fils et qui, lui, essaye de transcender sa détresse, sa souffrance pour en faire quelque chose, ce qu'il tente de transmettre à Robert, mais celui ci n'est pas en mesure d'entendre ce genre de discours.
Oui, c'est un beau film, très intéressant, aux images sublimes et qui pose de vraies questions: comment supporter l'insoutenable? Comment survivre à l'insoutenable? A voir.