Guillaume Nicloux filme depuis vingt ans maintenant et il a abordé pas mal de genres différents mais il s’est surtout illustré dans le polar, notamment à ses débuts (il a transfiguré Josiane Balasko dans l’excellent « Cette femme-là » ainsi que Thierry Lhermitte dans « Une affaire privée » par exemple). Il y a quelques années, il nous a livré un chef-d’œuvre d’émotion contemplative à la lisière du fantastique grâce à « Valley of love » avec un couple Depardieu-Huppert monstrueux. Ici, il s’essaie au film de guerre avec « Les Confins du monde » qu’il teinte également de fantastique, ou plutôt d’onirisme, par les visions traumatisantes qu’il offre du conflit en Indochine en 1945. Le film est clivant, c’est un film de guerre intime et introspectif qui s’assume en tant que tel mais pourra laisser sur le bas-côté pas mal de monde. Même si sa vision est maîtrisée, le cinéaste semble moins à l’aise ici que dans le polar et on hésite constamment entre puissance et insignifiance.
On peut lui accorder une manière de filmer le conflit plutôt particulière. On ne verra aucun combat ou presque, mais plutôt l’attente, l’errance de soldats perdus et leur réflexion. En revanche, il filme comme personne les abominations pratiquées en temps de guerre, des éviscérations aux décapitations très gores, comme celles provenant de la nature (sexe rongé par une sangsue, morsure de serpent, …). Cela procure quelques belles fulgurances de mise en scène. L’atmosphère du long-métrage est poisseuse, crasse, sale et la caméra de Nicloux parvient à rendre cela de manière percutante. Le climat est malsain et vénéneux et ça pue la sueur, le sang et la boue à travers l’écran. Le rythme languissant, voire ennuyant, et le montage décousu, fait d’ellipses brutales, renforce encore plus ces ressentis. Cependant, « Les Confins du monde » n’est pas aussi envoûtant qu’il le voudrait.
On est face à une œuvre presque existentielle, le cheminement physique et psychologique du personnage principal est la ligne directrice du film. Par là même, « Les Confins du monde » est un film très cérébral et conceptuel. Nicloux a pour cela bien choisi son acteur principal. Gaspard Ulliel donne en effet tout pour ce rôle complexe et son visage émacié tout comme sa maigreur fantomatique rajoutent au côté spectral de cette œuvre singulière. Une errance mentale où les hommes ressemblent à des ectoplasmes. On trouve donc la relation de Tassen, le héros, avec une prostituée dont il tombe amoureux totalement accessoire et celle avec l’écrivain joué par Depardieu trop sibylline même si l’acteur, fidèle du cinéaste, apporte apaisement et sérénité au film. Au final, cette proposition de cinéma de guerre psychologique est aboutie mais laisse un goût mitigé. Comme si elle était trop fermée sur elle-même et ne parvenait pas à captiver le spectateur. Un faux film de guerre qui questionne les notions de vengeance, de violence et les idéaux en temps de conflits de manière originale mais hermétique.
Plus de critiques cinéma sur ma page Facebook Ciné Ma Passion.