Plus jeune, je rejetais les Dardenne qui, me disais-je, faisaient 0% de film et 100% de tranche de vie - ici représentée par le récit social d'une femme qui perd son travail. Pourtant, il n'y a pas plus filmique que Deux jours une nuit, et la reconquête de son salaire par Sandra n'est rien de moins qu'une aventure. Le monde du travail, c'est la jungle. La dépression, des montagnes à franchir. Deux jours, le temps qu'il lui faut pour faire le voyage.
Sa mission aussi tient de l'aventure : elle devra rencontrer des gens et les convaincre de l'aider à rester dans son entreprise, à l'occasion de quoi elle découvrira beaucoup sur eux et sur elle-même à travers des moments de communion. Mais les périls seront nombreux : il y aura des fauves (homo homini lupus), du découragement (mais pas de solitude, son mari étant là pour tenir le frisson en vie dans l'adversité), puis un drame presque fatal. Quelle différence entre avaler une boîte de Xanax et tomber dans un ravin, ou une morsure de serpent ? Dans les deux cas, c'est l'apogée du récit, le point où l'on pousse l'histoire si loin que c'est l'histoire qui manque de pousser le protagoniste par-dessus bord, et dans les deux cas c'est le déclic : l'évènement après lequel l'aventurière est enfin en harmonie avec sa propre histoire, enfin assez forte pour affronter le monde. Sa quête est accomplie.
En théorie, ce qu'il manque à l'aventure des Dardenne est le trésor, dissimulé dans le temple (ou dans l'entreprise Solwal), qui sert de récompense à l'aventurière. Mais même en l'absence de ce trésor (Sandra ne retrouvera pas son travail), le film confirme qu'il consiste bel et bien en une aventure. En fait, c'est parce qu'il n'y a pas de trésor que j'ai finalement décidé d'écrire ma petite analyse de la même manière que j'avais vu le film, en retranscrivant ce curieux arrière-goût d'Indiana Jones. Car la fin dit la même chose que toutes les œuvres d'aventure : que ce n'est pas la destination qui compte, mais le voyage.