Mythique créateur à l’origine de la création de l’un des plus grands groupes de haute couture française, Yves Saint-Laurent fut un homme qui a déchaîné les passions. Accédant à la reconnaissance dès l’âge de vingt et un ans, l’homme n’a cessé d’inspirer ses collègues créateurs mais aussi le cinéma, et ce dès 1994. En 2014, deux projets concurrents lui étant dédiés vont s’affronter. La version qui nous intéresse aujourd’hui est portée par Jalil Lespert et Pierre Niney. Cette version a le mérite d’avoir obtenu le soutien de Pierre Bergé, compagnon d’Yves Saint-Laurent. L’homme est en effet un personnage fascinant. Le film suit sobrement son évolution de son ascension chez Christian Dior à la concrétisation, tout en s’étendant longuement sur sa relation complexe avec Pierre Bergé. Pierre Niney est un acteur perçu comme quelqu’un misant sur le registre comique surtout. Le pari d’en faire un Yves Saint-Laurent crédible semblait osé. Dans un premier temps, son interprétation du créateur m’a laissée dubitative. L’acteur semble réciter son texte plus qu’il ne le joue, en forçant constamment sur sa voix pour ressembler le plus possible à son modèle. Mais peu à peu, on décèle chez Niney une sensibilité légèrement plus crédible. La déchéance de Saint-Laurent lui donne plus de possibilités de dévoiler son art. Il n’empêche que niveau performances, j’ai trouvé Guillaume Gallienne bien plus juste dans son jeu, en interprétant un Pierre Bergé tout en retenue et en contradictions. Charlotte Lebon est la bonne surprise du casting. La jeune femme, en prêtant son visage à la première muse de Saint-Laurent, prouve qu’elle est une actrice à part entière, et pas seulement une ex-Miss météo de Canal. Elle rayonne. Un registre dramatique qui lui réussit plus que le comique. Dans l’ensemble, ce sont de bonnes interprétations, taillées pour les César. La mise en scène de Jalil Lespert est conventionnelle. Son « Yves Saint-Laurent » est un biopic réalisé dans les règles de l’art, sans aucune prise de risque. Rien d’étonnant lorsque l’on sait que le film a eu l’aval de Pierre Bergé himself. A cause de ce classicisme, le film risque d’être rapidement oublié. On regrettera surtout la voix-off de Guillaume Galienne, qui apporte une nostalgie poussive à certaines scènes, tout comme le fait que le privé prenne le pas sur le professionnel. La seconde partie du film mise en effet sur la descente aux enfers d’Yves Saint-Laurent. Ainsi, la plupart des collections ne sont que vaguement évoquées. La célèbre collection "Mondrian" est survolée. Ce qui prime c’est l’homme, et aussi comment sa vie influence son œuvre. La plupart du temps, cet aspect est bien amené, même si j’aurais aimé qu’il soit plus présent. Montrez-nous des défilés, montrez-nous comment Saint-Laurent trouve l’inspiration, montrez-nous plus de ses dessins au lieu d’étaler ses soirées entre amis. Bref, ce ne sont que des préférences personnelles. A noter malgré tout que la conclusion apportée par Lespert est satisfaisante. Le réalisateur et scénariste évite le tire-larmes gratuit en choisissant de ne pas montrer la mort de Saint-Laurent. La suggérer comme cela a été fait est bien plus délicat. La photographie est jolie, il y a un véritable travail sur les couleurs et lumières, qui sont la plupart du temps chaleureuses. De la même façon, on ne peut que saluer le travail réalisé pour la reconstitution de l’époque. Le mobilier de l’appartement de Bergé et Saint-Laurent, l’atelier du créateur, le style vestimentaire, tant de détails qui font que cette France des années 60 est on ne peut plus crédible. Que retenir d’ « Yves Saint-Laurent » version Jalil Lespert alors ? Que peut-être à cause du contrôle de Pierre Bergé, le film ne se libère jamais vraiment du côté biopic classique, mais que cela permet malgré tout d’apporter un réalisme non négligeable à l’œuvre. Difficile de nier que « Yves Saint-Laurent » présente toutes les qualités d’un biopic réussi. Il ne lui manque que la touche de folie.