Y et P se rencontrent, s'éprennent, font de l'argent, beaucoup d'argent (enfin P qui a le sens des affaires, mais grâce au coup de crayon de Y), collectionnent les résidences et les oeuvres d'art, sont peu fidèles (surtout Y), mais en restant très attachés l'un à l'autre. Puis Y, au bout de sa névrose existentielle, soignée à coup de tranquillisants, d'alcool et de cocaïne, tombe très malade. Les affaires marchent encore bien - heureusement - car diversifiées et menées énergiquement par P. On nous épargne le déclin physique de Y - enfin presque. Fin de l'histoire.
Il paraît que cela fait un "biopic"..... 1 h 40 qui traîne en longueur, où le réalisateur, peu inspiré, se contente d'enchaîner les scènes chronologiquement, sur une petite quarantaine d'années. L'histoire de Y et P n'a absolument aucun intérêt, sauf celui de s'inscrire avec opportunité dans un courant à la mode, celui du "gay friendly" - Yves Mathieu-Saint-Laurent (son patronyme complet - "Mathieu" n'est pas un prénom ici), raccourci en "Yves Saint Laurent" (ou YSL), comme marque de fabrique, et Pierre Bergé ont en effet constitué un duo d'invertis célèbres du monde de la mode (Y en créateur, et P en gestionnaire), de 1957 (YSL a alors 21 ans, et Bergé 27) à 2008, date de la mort du couturier (cancer du cerveau).
Les seuls moments plaisants sont ceux où l'on suit les collections les plus marquantes de la carrière de YSL - impression de feuilleter un album de photos de luxe. Entre deux, on s'ennuie ferme, entre les scènes à faire homos (soft) et la vacuité mondaine, tendance microcosme frelaté - galerie de caricatures, de Bernard Buffet (qui précéda YSL dans le lit de Bergé) et Jean Cocteau à Loulou de la Falaise ou Betty Catroux, en passant par Zizi Jeanmaire et Karl Lagerfeld, évoluant mécaniquement dans des postures empruntées. Personnages fantoches que l'on identifie, pas même grâce à une quelconque ressemblance physique, mais juste parce qu'ils sont nommés, et/ou "contextualisés".
On ne perçoit rien du "génie" du couturier, rien de l'esthétisme des deux amants - PB, en récitant "off", se contente d'en parler. Vraiment "court", au cinéma !
Quid des deux comédiens du Français, en tête de casting ? Pierre Niney (le pensionnaire) arrive (par moments) à créer l'illusion physique en YSL, mais reste au seuil de la crédibilité au niveau du jeu. Guillaume Gallienne (le sociétaire) s'en tire mieux en Bergé. Le reste de la distribution est anecdotique, et plutôt mauvais, voire navrant (la demoiselle Galouzeau de Villepin - fille de, en Betty Catroux).
Attendons mai, et la sortie du deuxième "biopic" (par Bonello) sur le couturier et son mentor Bergé.
Jalil Lespert rate pour sa part le sien, "Bergé approved" - ceci expliquant sans doute cela.