Un western féministe, c’est peut-être comme cela qu’il faudrait qualifier le film de Tommy Lee Jones. On pourrait même dire un western féministe qui bat en brèche tous les mythes fondateurs du genre, car dans « The Homesman », les hommes ne sont pas les valeureux pionniers de la conquête de l’Ouest, mais soit des lâches égoïstes, soient des soudards sans moralité, soit un peu des deux ! Au travers du personnage de Mary Bee Cuddy, au contraire, c’est le courage et la générosité qui s’incarnent. Cette femme, qui a une ferme à tenir, ne supporte pas l’avilissement des trois femmes et la lâcheté de leur mari, elle entreprend un long et dangereux voyage pour que ces trois femmes ne perdent pas leur dignité. Mary Bee Cuddy est droite dans ses bottines, surement un peu trop honnête et forte pour les hommes de l’époque qui l’éconduisent sans cesse. Hillary Swank, physiquement peu à son avantage (mais c’est une actrice qui n’a pas peur de s’investir à 200%, souvenez-vous « Million Dollar Baby » !), incarne formidablement bien cette femme solide et pétrie de qualité, mais irrémédiablement seule, et cette solitude fait peine à voir. A ses côtés, Tommy Lee Jones est égal à lui-même, c'est-à-dire bourru et ours mal léché, très préoccupés par les 300$ qui lui ont été promis, mais plus le film avance et plus la carapace se fissure, sans toutefois céder complètement. Le scénario nous livre un rebondissement que je n’avais pas vu venir (que personne ne peut voir venir) au 2/3 du film environ et qui bouleverse la trame du voyage, obligeant Briggs à sortir de son rôle de suiveur. Il y a des scènes assez dures, notamment celles avec les trois femmes qui perdent la raison et qui font (ou s’infligent) des choses assez terribles. La folie est dérangeante, quelle que doit l’époque ou le contexte, Arabella souffre d’une profonde dépression et est devenue neurasthénique, Gro est carrément schizophrène (elle converse avec sa mère morte, dans des scènes qui mettent très mal à l’aise), Théoline, quant à elle, on ne sait pas trop. Mais que trois femmes perdent la raison dans une si petite communauté pose question, la dureté de la vie y est surement pour beaucoup. Le dernier ¼ du film tire un peu en longueur, surtout qu’on ne voit pas vraiment où Jones veut en venir et la toute fin est assez pathétique pour son personnage. Je suis une peu réservée sur la fin, pour tout dire… Si les paysages ne sont pas époustouflants (de la plaine, de la plaine, de la plaine et encore de la plaine…), ils sont filmés de manière à les rendre encore plus inhospitaliers qu’ils le sont (on est en mai et il neige !), peu de musique, pas de fioritures. Peu importe les petites lacunes du film, par exemple comment Mary, fille de New York, a pu échouer dans cette ferme isolée qui lui interdit toute vie sociale ? On pardonne quelques petites incohérences (les cordes qui se dénouent toute seules, la schizophrénie de Gro qui semble s’estomper pile quand il le faut) et quelques scènes inutiles et quelques longueurs pour ne garder que l’impression d’un film solide, où l’humour est rare mais pas totalement absent, et qui véhicule des valeurs fondamentales sans verser dans la facilité.