Karyn Kusama révélée par « Girlfight » (qui révéla aussi Michelle Rodriguez) est une cinéaste intéressante et une cinéaste de femmes. Après une tentative science-fiction plaisante mais imparfaite avec Charlize Theron (« Aeon Flux »), une incursion dans le film d’horreur moyennement convaincante avec Megan Fox (« Jennifer’s Body ») et avant un polar sombre (« Destroyer ») avec une Nicole Kidman métamorphosée, elle avait tourné ce petit film de groupe il y a deux ans, sans aucune star ni acteur connu, sorti du coup discrètement en VOD. Et c’est dommage car c’est très certainement son meilleur film, un petit bijou de film psychologique entre le drame et le thriller dont la fin vous laisse pantois après une montée en tension exponentielle dont la dernière ligne droite est fascinante. Un film qui pousse le stress à son paroxysme et vous effraie sans aucune incursion fantastique ou horrifique mais davantage avec la peur de ce qui pourrait arriver à chaque instant.
Mais attention, pour apprécier « The Invitation » à sa juste valeur il faut être patient. La première moitié du film est assez lente et on a l’impression qu’il ne se passe pas grand-chose. La cinéaste prend son temps pour présenter ce groupe de nombreux personnages (une dizaine d’amis) réunis autour d’un dîner alors qu’ils ne se sont pas vus depuis deux suite à un drame. Tout cela ne semble pas plus intéressant que si l’on assistait à une soirée d’inconnus mais ce n’est pas ennuyant non plus car on cherche à déceler ce qui cloche et comment ça va se gâter. Car il y a un problème, on sent que quelque chose ne tourne pas rond chez les hôtes dans ce huis-clos entre amis. L’ambiance est étrange, à la limite du malsain. Et Kusama sait nous la faire ressentir jusqu’à l’étouffement. On suit tout cela avec les yeux d’un des protagonistes (Logan Marshall-Green, sosie de Tom Hardy vu dans « Upgrade », parfait) qui ne sait pas plus sur quel pied danser. Durant une petite heure, on est donc plongé dans une drôle de réunion, néanmoins très réaliste et bien jouée par des inconnus, ce qui renforce le sentiment d’identification. Une tension sourde, vénéneuse, et une atmosphère anxiogène aboutissent à un climat dérangeant particulièrement bien rendu.
La seconde partie monte en puissance et le sujet des sectes présenté en filigrane dès le départ fait son entrée clairement dans un dernier acte qui nous prend à revers de la plus belle des façons. Le film se transforme presque en survival enfermé dans un huis-clos sous extrême tension et la réalisatrice joue parfaitement de l’espace de cette grande villa sur les hauteurs de Los Angeles. Et, chose rare dans ce genre de situation, ce n’est jamais invraisemblable, ni cousu de fil blanc. Au contraire, c’est extrêmement réaliste et tout à fait probant sans en faire des tonnes dans le gore, préférant une violence sèche et brutale. « The Invitation » n’en oublie pas l’émotion par moments sur un sujet dur parfaitement maîtrisé et se permet même une dernière séquence bluffante et inattendue qui rend le film encore plus ambitieux. Alors certes, il faut être peut-être un peu persévérant au début mais c’est une période nécessaire pour instaurer l’ambiance délétère nécessaire à la suite. Une excellente surprise qui vous scotche à votre canapé par son réalisme et l’horreur sociale permise par un sujet délicat en arrière-plan.
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