J'ai adoré, autant que ma bourgeoise a haï. Un film en forme de formidable mise en abyme, où la folie de Torrance et le motif du labyrinthe épousent à merveille les obsessions maniaques, voire la paranoïa pour les cas les plus poussés ("on a fouillé ma maison") des différents intervenants. Un documentaire jouissif sur la force évocatoire des films de Kubrick, du Cinéma dans son ensemble et sur le pouvoir accaparant et aliénant de la fiction. Le film passe sans cesse d'un registre l'autre, une remarque pertinente chassée par une théorie abracadabrante, sans que l'on sache jamais sur quel pied danser. On chemine de commentaires convenus (la parabole sur le génocide Indien) à des interprétations génériques et peu inspirées (l'Holocauste), avant de bifurquer vers des sentes frapadingues (la fille qui voit un Minotaure dans le poster du skieur, les motifs de la moquette comme symbole sexuel, le décortiquage plan par plan pour trouver une image subliminale de bite en érection, Kubrick in the clouds) et d'autres encore plus folles mais brillamment étayées (tout le passage sur l'alunissage est bourré d'étonnantes coïncidences). On apprend des choses passionnantes sur l'impossible géographie de l'hôtel ou sur les pérégrinations irréelles de Dany, qui au détour d'un couloir change d'étage ; on tutoie le sublime dans l'absolue contingence, lors d'une performance artistique consistant à superposer le film projeté à l'endroit et à l'envers. Le réalisateur parvient à illustrer intelligemment les propos de ses participants à l'aide de différents extraits de films, la plupart de Kubrick, introduisant parfois vis-à-vis des discours tenus une narquoise distance, et la musique très carpenterienne rend bien hommage à la tonalité horrifique de l'oeuvre source. Considéré sous l'angle du pur exercice intellectuel, rappelant les exégèses savantes et sourdement ironiques d'auteurs comme Borges ou Bolano, Room 237 est un vrai plaisir de cinéphile, qui agacera sans doute et ennuiera autant qu'il fascinera, et dont le motif même du discours caché, du texte secret, du palimpseste dissimulé sous le voile du réel, peut-être menaçant, sans aucun doute aliénant (voir une des dernières interventions d'un des interviewés, qui finit par avouer combien sa situation présente évoque celle de Torrance ), est en soi un argument narratif d'un formidable récit d'horreur.
les énormes barres lors de la courte vignette sur Bill (je crois), le magnifique personnage inutile du gardien d'été ("on voit bien à son teint brunâtre et à son rôle de larbin que cet homme incarne le peuple Indien" "il est évident qu'il représente la CIA ou la NSA, celui qui dirige vraiment, là où le sosie de Kennedy est un patron fantoche")