Et si Stanley Kubrick s'était servi de Shining non pas pour adapter un roman horrifique, mais pour parler de l'Holocauste ? Et si le but de ce film n'était pas d'effrayer, mais de faire parler notre inconscient ? Et si le cinéaste américain voulait faire son mea-culpa en ayant filmé de fausses images de l'alunissage d'Apollo 11, en se fichant totalement des thèmes de Stephen King ? Avec des si, on mettrait Paris en bouteille. C'est ce qu'a fait Rodney Ascher pour son premier film, Room 237, documentaire sur les théories de cinq individus inconditionnels de Shining.
« Room 237 » n'est pas un titre choisi par hasard. On nous explique que cette chambre révèle les fantasmes du personnage principal incarné par Jack Nicholson. Ce film quant à lui révèle les fantasmes analytiques et idéologiques des nombreux fans de ce chef-d'œuvre. En ce sens, le réalisateur a conscience que ce qu'il enregistre n'est pas une science exacte. Il renvoie à certains moments dos à dos les intervenants (notamment pour la vision du personnage de Bill Watson). Le mixage sonore n'est d'ailleurs volontairement pas très bon, pour bien nous faire comprendre que ces gens sont des amateurs et non des théoriciens du cinéma ayant un quelconque poids dans ces analyses filmiques.
Tout est question d'hypothèses, à partir de ce postulat, tout est possible. Certains avis sont plus intéressants que d'autres, et nous nous souviendrons certainement plus de sujets comme l'inconscience, le passé ou la théorie sur la Lune, plutôt que l'Holocauste ou la persécution des Indiens. Room 237 réussit à ne pas être trop didactique alors que la forme aurait pu s'y prêter facilement. Au contraire, Ascher a l'idée géniale d'inclure dans son film des œuvres réalisées par Kubrick lui-même (Eyes Wide Shut, Barry Lindon, Lolita, Spartacus) pour ses reconstitutions. Tous ses films construisent ce documentaire, et nous offre une très belle mise en abîme.
Cette première création est un hymne à Kubrick et son Shining, mais plus généralement au septième art. Notre rapport à ce dernier est remis en question (qu'est ce que nous voyons réellement dans un film ?). Grâce aux multiples interprétations que nous offre ce film, les images que nous avons vues tant de fois prennent une nouvelle signification, un nouveau visage, preuve que le cinéma est magique et recèle de pouvoirs illimités, puisqu'il bouscule notre interprétation du monde.
Avec toutes ces idées que Room 237 a pu évoquer, nous sommes en droit de nous demander si tout cela n'est pas farfelu. Pourtant, certaines pensées tiennent debout et reconsidèrent totalement l'image que nous nous faisons de Stanley Kubrick. Celui-ci n'est pas le génie cinématographique que tout le monde connait, c'est un génie au sens propre du terme, une personne dotée d'une intelligence hors du commun. A vous de faire votre choix, et de croire, ou non, à l'être supérieur.