Hasard du calendrier, le documentaire « Les Invisibles » de Sébastien Lifshitz, à qui l’on doit les longs métrages de fiction « Presque Rien » ou « Wild Side », sort en plein débat sur le mariage pour tous à un moment où l’opposition de droite conservatrice bat son plein. Ces invisibles, ce sont des seniors, sexagénaires ou plus, homosexuels ou bisexuels qui ont vécu au grand jour et parfois revendiqué leur orientation sexuelle à une époque où le sujet était encore plus que tabou. A travers des entretiens avec ces hommes ou ces femmes, en couple ou non, Lifshitz dresse le portrait de véritables personnalités aux parcours divers qui ont toutes eu à affronter le regard et le jugement des autres, de leur famille à leurs voisins en passant par leurs employeurs et la société dans son ensemble.
Au-delà d’une incontestable réussite formelle – le réalisateur maîtrise parfaitement son cadre, son image, et sait inscrire ses personnages dans leur environnement, souvent rural, auprès de leurs animaux et de la nature – Les Invisibles est aussi et avant tout un témoignage vibrant sur le combat, militant ou non, qu’ont dû mener les homosexuels pour faire accepter leur différence et vivre leur amour comme ils l’entendent.
Une lutte que les protagonistes de ce film racontent et que le réalisateur évoque par l’intermédiaire d’images d’archive qui nous rappellent que le chemin a été long, l’homosexualité n’ayant été dépénalisée qu’en 1981, par exemple. Une constante à travers les histoires pour autant toutes personnelles et variées qui nous sont racontées. Et pour autant, ces gens à qui Lifshitz donne la parole sont toutes résolument tournées vers l’avenir et pleines de joie, nous offrant une bonne leçon de vie.
A la fois profondément authentique, véritablement touchant et souvent très drôle, de par la parole très libre de ces vieux homos et vieilles lesbiennes qui se racontent sans détour et évoquent le sexe crûment, Les Invisibles constitue un documentaire inédit et indispensable en cette période où l’on sent remonter une homophobie qui ne dit pas son nom dans certaines franges de la population. Il faut saluer le « casting » qui a été réalisé pour trouver ces personnages souvent haut en couleur, porteur d’une véritable force et d’un courage exemplaire. Ils nous montrent tout simplement à travers leurs histoires croisées, que les homos et les lesbiennes ne sont que des gens qui s’aiment, au même titre que les hétéros, et il est toujours bon de le rappeler.