Il y a quelques mois, le film français "Alyah" nous avait fait la bonne surprise de nous offrir "Sugar Man", une chanson de Rodriguez dans sa BO. Aujourd'hui c'est un documentaire entier du suédois Malik Bendjelloul qui est consacré à ce chanteur-compositeur US de grand talent, qui n'a enregistré que 2 albums au tout début des années 70, albums qui n'eurent aucun succès aux Etats-Unis mais qui devint une véritable idole en Afrique du Sud, quelques années plus tard. Pour qui aime la musique des années 60 et 70, ce documentaire est un très beau cadeau. Pour les autres ? Dans la mesure où il est remarquablement réalisé, dans la mesure où il s'intéresse aussi à l'environnement socio-politique de Rodriguez à l'époque de ses enregistrements et à notre époque ainsi qu'à la vie en Afrique du Sud, au moment où Rodriguez devint une icône du mouvement anti-apartheid, dans la mesure enfin où il sait se transformer en une véritable enquête policière lorsque quelques personnes se lancent sur sa trace, ce documentaire est vraiment pour tout public cinéphile. Pour en revenir à l'histoire de Rodriguez, on peut penser que sa malchance a été d'être originaire de Detroit et d'avoir été "lancé" par la mouvance Tamla Motown, maison de disque qui régnait sur cette ville en ce qui concerne la musique noire et qui était assez inculte en matière de musique folk ou assimilée. Il n'y a qu'à entendre un des producteurs de son premier album proclamant qu'à l'époque (en 1970), il n'y avait personne dans ce genre à part Dylan. Quand on pense que c'était la période qui vit paraitre, dans le genre pratiqué par Rodriguez, de grands albums signés Phil Ochs, Tim Hardin, Tim Buckley, Nick Drake, j'en passe et des meilleurs ! Il y a donc eu erreur de casting, un peu comme si on demandait à Deutsche Gramophon de produire les albums de Joey Starr. D'où un premier album aux arrangements un peu inadaptés au genre pratiqué par Rodriguez et un second, certes plus proche de ce qui lui convenait, mais pas totalement convaincant pour autant. Restent le personnage, ses textes, sa poésie, ses mélodies et la très grande qualité du documentaire en tant qu'œuvre cinématographique. Maintenant, j'attends la même chose sur Blaze Foley, Patrick Sky, etc.