Quelle histoire ! Sugar Man, en matière de documentaire, fait le même effet qu'Argo en matière de fiction. Le sujet d'Argo prouve que la réalité dépasse parfois la fiction. Celui de Sugar Man, s'il n'était basé sur des faits avérés, passerait facilement pour difficilement croyable. Ce documentaire prend ainsi des allures de conte moderne tel que l'on n'en imagine plus aujourd'hui. Au-delà du fait que Rodriguez était adulé, sans le savoir, en Afrique du Sud, on reste ébahi en découvrant l'aura symbolique de ses chansons dans ce pays. Ou encore les rumeurs sur sa mort sur scène. Mais il ne faut pas trop en dire pour ne pas gâcher les surprises que réserve ce film...
Ce que l'on peut dire, c'est que la réussite de Sugar Man repose évidemment, pour l'essentiel, sur son histoire unique. Mais aussi sur sa narration bien agencée, façon enquête, qui ménage les révélations et rend la chose captivante. La présentation des témoignages est quant à elle, malheureusement, parfois plan-plan, voire un peu naïve. Au final, ce qu'il y a de plus touchant visuellement, ce sont peut-être les focus sur les vieilles photos ou ce travelling mélancolique sur Rodriguez qui marche, cahin-caha, dans la neige.
Au-delà des considérations formelles, on se laisse porter par un enthousiasme communicatif, un mélange de curiosité, d'émotion et d'attachement pour le chanteur et l'homme, sa vie, son oeuvre. Rodriguez aurait pu (ou dû) être un Dylan. Il a traversé sa vie en ouvrier-dandy christique, prenant les choses avec une humilité et un relativisme désarmants, qui forcent le respect. On regrettera (même si l'on comprend) que le documentariste n'évoque pas les concerts de Rodriguez en Australie, dans les années 1970-1980, pour mieux valoriser le potentiel "merveilleux" de son histoire avec l'Afrique du Sud, dans les années 1990. Mais passons. Il faudrait d'abord le remercier de nous avoir fait connaître cette histoire... On quitte ce feel-good-movie avec le sourire aux lèvres, des questions encore plein la tête et l'envie de partager cette découverte.