Ce "Quartet" de 2012 n'a aucun rapport avec son homonyme de 1981, signé James Ivory, sauf la présence de l'immense Maggie Smith dans les 2 distributions. Il s'agit ici de l'adaptation d'une pièce de Ronald Harwood, par l'auteur lui-même, et portée à l'écran pour sa première vraie réalisation par le double oscarisé Dustin Hoffman (en 1978, il assistait en effet Grosbard sur "Le Récidiviste", tout en assurant le 1er rôle). Le grand acteur américain s'est coulé avec aisance dans cet univers très britannique, mais dont il est en familiarité par l'âge (74 ans). A Beecham House, superbe domaine dans la campagne anglaise, on met au point les derniers détails du gala annuel du 10 octobre (jour de naissance de Verdi). C'est une maison de retraite pas comme les autres - sous le patronage posthume du célèbre chef d'orchestre Sir Thomas Beecham disparu en 1961 dont elle porte le nom, c'est une résidence médicalisée réservée aux vieux musiciens et chanteurs lyriques. Le récit s'articule d'abord autour d'un trio : Reginald ("Reggie") Paget, Wilfred ("Wilf") Bond et Cecily ("Cissy") Robson, trois chanteurs d'opéra à la carrière très honorable, en particulier au service de Verdi, les deux messieurs veillant avec tendresse sur Cissy, gagnée par la maladie d'Alzheimer. Un décès vient de libérer une place, et l'on annonce un nouveau pensionnaire d'exception. Ce sera en fait Jean Horton, une diva de premier plan (et l'ex épouse de Reggie, lequel nourrit à son égard un ressentiment aigu, bien que remontant à leur commune jeunesse). Se fait bientôt jour un projet, soutenu par le fantasque maître de cérémonie, Cedric Livingstone (l'Irlandais Michael Gambon) : conclure le gala en beauté, en reconstituant le "Quartet" de Rigoletto avec les 4 partenaires d'antan, Reggie, Wilf, Cissy et Jean. Reste à convaincre cette dernière, qui ne chante plus depuis longtemps. Belle mise en scène, classique et élégante (mais jamais académique et empesée), pour histoire simple et à l'optimisme revigorant (Beecham House n'a rien d'un mouroir et le passage de témoin est bien présent avec la jeunesse locale), dosant avec pudeur et maîtrise amitié et amour, temps qui passe et éternité, avec la musique en fil rouge, dont tout Beecham House et son domaine aux doux éclairages automnaux bruissent. Tous les rôles secondaires sont assurés par de véritables anciens musiciens ou chanteurs, comme nous l'indique le générique de fin, qui associe chacun d'entre eux avec son plus grand moment de gloire artistique, ce qui assure un environnement authentique bienvenu. Quant à l'étincelant quatuor, outre Maggie Smith, impériale en Jean Horton, on reconnaît Tom Courtenay en Reggie (grand comédien de théâtre, plus rare à l'écran - vu cette année dans "Gambit, arnaque à l'anglaise"). Mention spéciale à Pauline Collins, dont la composition en Cissy est absolument bouleversante, sans oublier l'Ecossais Billy Connolly, le benjamin (70 ans seulement), d'abord humoriste et chanteur folk, et qui campe un malicieux Wilf. Un essai concluant de réalisation, là où on ne l'attendait pas, pour l'acteur du "Lauréat".