Fin août 1944. Paris est sur le point d'être libéré. La dramaturgie de ces événements majeurs de l'Histoire de France contemporaine peut être envisagée sous deux formats. Un format "épique" - et c'est "Paris brûle-t-il ?", par René Clément en 1966 (film franco-américain), ou un format intimiste - c'est celui de "Diplomatie", pièce (de Cyril Gély) adaptée pour le cinéma par l'auteur et le réalisateur, Volker Schlöndorff, ce qui donne un film franco-allemand.
Les scénaristes imaginent une rencontre en particulier entre Dietrich Von Choltitz, le récent général-gouverneur de Paris, officier de carrière, d'une famille d'aristocrates prussiens à tradition militaire (il avait fait la Grande Guerre aussi, alors comme jeune officier subalterne, élève des Cadets de Dresde), qu'on aurait tort de qualifier sans nuances de "nazi" (de l'étoffe plutôt d'un Von Stauffenberg - allusion à l'attentat raté du mois précédent - du Wolfsschanze - lors de la conversation, auquel seul le manque d'opportunité ne l'a pas fait participer), et Raoul Nordling, consul de Suède à Paris (où il était d'ailleurs né - et d'une mère française). La scène est à l'hôtel Meurice (le palace de la rue de Rivoli était le QG des forces de la Wehrmacht) dans la nuit du 24 au 25 août, et au matin du 25.
La vérité historique n'est sans doute pas respectée scrupuleusement - même si le schéma général est exact - mais l'intérêt de l'entretien entre les deux hommes (qui fait presque la totalité du film) dépasse le récit historique. C'est d'un affrontement magistral qu'il est ici question. "Affrontement" dans toutes les acceptions du terme : face-à-face, heurt, choc, compétition, combat.... Où les rôles ne sont pas écrits d'emblée, figés. Où le "gentil" diplomate franco-suédois Nordling (André Dussolier) sait déployer une rouerie accomplie, non exempte d'aspects sombres. Où le "méchant" général allemand Von Choltitz (Niels Arestrup) a des "failles" très humaines dans sa personnalité d'officier ne se pliant qu'aux ordres reçus.... Les répliques s'enchaînent dans un français châtié entre lettrés, et même hommes du monde (le Suédois ne parle pas l'allemand - s'il doit le comprendre - et le Prussien a l'habitude de notre langue, comme la plupart des officiers supérieurs de la Wehrmacht), la "dispute" est raffinée - dont un long passage sur le Sacrifice d'Abraham.
Le quasi huis-clos ne lasse jamais, car Schlöndorff a tout le métier requis pour cela. Quant aux "duettistes" (ou "duellistes" - verbaux), leur numéro (assuré d'une totale fluidité, car ils avaient déjà joué la pièce plus de 200 fois) est de très haute qualité. Difficiles à départager dans l'excellence.... une petite préférence, peut-être, pour Arestrup.... Génialissime. Un nouveau César (j'espère) en 2015 - du Meilleur acteur cette fois-ci (voir sa récompense cette année - très méritée - pour son Second rôle dans "Quai d'Orsay", alors en diplomate...).
Pour la petite histoire, le père d'Arestrup avait fui son Danemark natal lors de l'invasion du pays par les armées allemandes....
Un film de haut niveau, qui change des formatages hollywoodiens.