The Immigrant, anciennement Lowlife, était en compétition officielle pour l'édition 2013 du Festival de Cannes. James Gray est un habitué de la Croisette. Il est venu pour la première fois en 2000 et en compétition pour la Palme d'or, avec le brillant The Yards (2000). Il est revenu sept ans plus tard, toujours en compétition, avec La Nuit nous appartient (2007) et l'année suivante, avec Two Lovers (2008). The Immigrant marque donc sa 4ème sélection.
Alors que sa filmographie est toujours ancrée dans son temps, The Immigrant est le premier film du réalisateur James Gray à se situer dans un passé que le metteur en scène n'a pas personnellement connu, plus précisément en 1921. Très attaché au sujet de l'immigration à New-York dans chacun de ses films, c'est la première fois qu'il filme Ellis Island, lieu empreint d'une histoire très forte, puisque le bâtiment a abrité le service d'immigration de New-York jusqu'en 1954.
Depuis qu'il l'a fait tourner dans The Yards (2000), James Gray ne se sépare plus de Joaquin Phoenix, avec lequel il a travaillé sur La Nuit nous appartient (2007), Two Lovers (2008) et The Immigrant, quatre films dans lesquels il tient un rôle principal. Dans toute la filmographie du réalisateur, il n'y a, pour le moment, que son premier long métrage, Little Odessa (1994) où Phoenix n'apparait pas.
C'est au cours d'un dîner avec Guillaume Canet pour son film Blood Ties (2013) dont James Gray a signé le scénario que le réalisateur de The Immigrant a fait la connaissance de Marion Cotillard - femme de Canet qui l'accompagnait - et a décidé de la faire jouer sans son film. Le metteur en scène raconte : "Elle est si expressive qu’elle pourrait être une actrice du muet. Bien sûr, j’ai fini par lui donner une tonne de dialogues ! (...) il me semblait qu’elle était capable de transmettre un état d’âme d’une façon non verbale."
The Immigrant est le premier film en langue anglaise où la Française Marion Cotillard tient le rôle-titre. Elle avait déjà joué des rôles secondaires dans plusieurs films anglophones tels Nine (2009) de Rob Marshall, Inception (2010) et The Dark Knight Rises (2012), deux films de Christopher Nolan.
James Gray fait toujours un travail assez particulier avec ses collaborateurs avant le tournage de ses films. Il a montré à son directeur de la photographie, Darius Khondji, plusieurs toiles afin de donner le ton visuel qu'il voulait retranscrire dans son film. C'est ainsi que The Immigrant s'inspire de tableaux George Bellows ou encore Everett Shinn, deux peintres ayant vécu à New-York au début du XXe siècle.
Afin de préparer The Immigrant, James Gray s'est documenté au sein de l'Histoire de sa propre famille. Il a récupéré les clichés pris par son grand-père venu de Russie qui arrivait à Ellis Island : "En 1923, mon grand-père et ma grand-mère sont arrivés aux Etats-Unis en passant par Ellis Island. J’ai entendu, bien sûr, d’innombrables anecdotes sur Ellis Island, et le lieu m’a longtemps obsédé. J’y suis allé pour la première fois en 1988, avant la restauration de l’île. Tout était resté intact, comme figé par le temps. C’était une vision troublante, ces formulaires d’immigration à moitié remplis, répandus par terre… Ellis Island m’est apparue comme un endroit hanté par des fantômes, ceux de toute ma famille. J’ai donc conçu le projet d’un film qui viendrait de cette histoire", raconte le metteur en scène.
Pour la première fois dans la filmographie de James Gray, le personnage principal est une femme, Ewa Cybulski interprétée par Marion Cotillard. En effet, dans Little Odessa (1994) le film s'attarde sur les deux frères joués par Edward Furlong et Tim Roth, dans The Yards (2000) Mark Wahlberg est au centre du film tandis que Joaquin Phoenix joue le rôle principal de La Nuit nous appartient (2007) et Two Lovers (2008).
Sur les 34 jours de tournage de The Immigrant, deux ont été nécessaires lors du tournage sur Ellis Island dans les véritables locaux historiques. Une opportunité pour le réalisateur James Gray qui raconte : "[Elia] Kazan a reconstitué Ellis Island pour America, America (1963), tout comme Francis Ford Coppola pour Le Parrain 2 (1974) mais ils n’avaient pas pu tourner sur place. J’avais donc une chance assez unique et j’ai essayé d’être le plus fidèle possible à la réalité historique."
Marion Cotillard a tellement travaillé son personnage d'immigrante polonaise qu'elle en a même bluffé le réalisateur James Gray, qui raconte à propos de son accent : "Un jour, j’ai demandé à l’actrice qui joue sa tante ce qu’elle pensait du polonais de Marion. Elle m’a dit qu’il était excellent, mais avait une pointe d’accent allemand. J’en ai parlé à Marion qui m’a répondu : « Bien sûr, c’est fait exprès puisque mon personnage vient de Silésie, une région située entre l’Allemagne et la Pologne »."
Le coscénariste du film, Ric Monello, est décédé le 1er mars 2013 avant la sortie du film. Le réalisateur et coscénariste James Gray se souvient : "Je suis très heureux d’avoir pu montrer The Immigrant à Ric avant sa disparition. Sa mort a été une réelle épreuve pour moi. Il était très important à mes yeux, et j’espère que je l’étais pour lui. (...) Quand le scénario était terminé, sa participation prenait fin. Il ne venait jamais sur le plateau. Bien sûr, il m’arrivait de l’appeler pour lui parler d’un acteur ou d’une scène. Et à la fin, je lui montrais le film fini". Avant The Immigrant, il avait déjà travaillé avec Gray sur le scénario de Two Lovers (2008) et a été consultant sur La Nuit nous appartient (2007).
Sur The Immigrant, James Gray retrouve le chef monteur de ses deux films précédents - La Nuit nous appartient (2007) et Two Lovers (2008) - John Axelrad, tandis qu'il fait de nouveau confiance au chef décorateur de Two Lovers, Happy Massee.
Pour se glisser dans la peau de son personnage, Marion Cotillard a dû mémoriser 20 pages de dialogues en polonais et n'avait que deux mois pour y arriver. A noter que la célèbre comédienne joue avec The Immigrant pour la deuxième fois un personnage polonais puisqu'elle incarnait dans Jeux d'enfants (2003) une fille d'immigrés polonais vivant en France.
Lors de la promotion de The Lost City of Z, James Gray avait confié à quel point sa nouvelle expérience avec le producteur et distributeur Harvey Weinstein avait été douloureuse sur The Immigrant. Si le cinéaste avait le final cut sur son film, Weinstein a néanmoins exercé une forte pression sur lui pour faire prévaloir sa propre version du long métrage, plus commerciale (avec 30 minutes de moins et un happy end...). Gray s'est donc retrouvé face à un dilemme : soit "détruire" The Immigrant en allant dans le sens du producteur, soit le laisser tel quel et le condamner à une mauvaise distribution. Le réalisateur a choisi la deuxième option, poussant ainsi Weinstein à mettre de côté le film, ce qui explique le fait qu'il soit passé inaperçu (six millions de dollars de recettes pour un budget de 16 millions et aucun Oscar...) malgré son très bon acceuil de la presse.
Ce n'est pas la première fois que Gray connaît une expérience désastreuse avec Weinstein puisque ce dernier avait changé la fin de The Yards (le cinéaste n'avait pas le final cut) en la rendant largement moins noire (Mark Wahlberg parvient à faire condamner les personnages hauts placés corrompus...) qu'elle aurait dû l'être. La fin d'origine est néanmoins présente sur le DVD.