En un seul film (le surprenant et percutant "May"), Lucky McKee a réussi à marquer le cinéma horrifique au fer rouge…inutile de dire que son nouveau film était attendu de pied ferme par bon nombre d’aficionados, surtout après la déconvenue de "The Woods" (La version proposée par McKee n’a pas plus aux producteurs et le film a été honteusement charcuté au montage !). Et bien accrochez-vous bien car, si vous recherchez un film choc dans lequel la sacro-sainte famille américaine et ses idéaux explosent en mille morceaux, "The Woman" est fait pour vous !! Le film nous invite à suivre l’étonnante histoire d’un brillant avocat père qui va découvrir dans une forêt une jeune femme vivant à l’état sauvage et qui va se mettre en tête de capturer cette femme et de la ramener chez lui afin de la « civiliser ». Avec un pitch aussi zarb, on pouvait être en droit de se demander ce qu’il allait bien pouvoir se passer pendant 1h40 et, soyons franc, le film aurait été sans aucun doute possible un vulgaire torture porn entre les mains du premier péquenaud venu. Mais voilà, Lucky McKee est un homme intelligent et talentueux et c’est dans une véritable spirale immorale (amorale ?) qu’il va nous entraîner…Le film a de quoi choquer puisque nous allons assister à un spectacle surprenant et malsain : la notion de civilisation qu’invoque le père est ici toute relative, puisqu’il va traiter la sauvageonne comme un gibier et tenter de la dresser comme un animal, n’hésitant pas une seule seconde à impliquer toute sa famille dans son « entreprise ». Au fur et à mesure du récit, cet homme va nous apparaître comme une sorte de parangon du machiste conservateur, qui maltraite sa femme et fait régner la terreur à la maison (et encore : ce n’est que la partie immergée de l’iceberg !) ; et on comprend assez rapidement avec effroi qu’il voit la sauvageonne davantage comme un objet à son entière disposition, dont il pourrait user et abuser comme bon lui semble. Et c’est ainsi que le film va tirer sa force : mettre mal à l'aise tout du long du récit, qu’il s’agisse des actions perverses du père, du comportement associable et malsain du fils ou même des simples scènes de vie quotidienne de la famille. Le contraste entre l’image « pieuse » que se donne la famille et la réalité de la situation horrible dans laquelle elle se complait est d’autant plus fort qu’il nous dérange. Finalement, les passages les plus choquants de "The Woman" ne sont pas les quelques débordements gores du film, mais plutôt dans
le comportement misogyne du père quand il fait la toilette de la sauvageonne au karcher ou bien quand il se met soudainement à frapper sa femme à coup de poings devant ses gosses !
Tout du long du récit, une espèce de combat entre Hommes et Femmes s’installe : une sorte de guerre des sexes où les hommes dominateurs ont pour seul but d’asservir le sexe faible, tandis que les femmes tentent par tous les moyens de garder leur dignité et leur humanité. Mais au final, tout l’avilissement de la prisonnière et la frustration des femmes réprimées de la famille vont exploser lors d’un climax final ahurissant, un bain de sang monstrueux où même la distinction entre enfants et adultes n’existe plus,
un véritable carnage qui est perpétué par une femme à la puissance diabolique et impitoyable alors en qu’en temps normal il serait réservé à un représentant du « sexe fort »
: si ça c’est pas du pamphlet féministe, je m’enferme chez moi et ne regarde plus jamais de film de ma vie !! Quand je pense qu’on accusé McKee d’incitation à la haine des femmes lors de la sortie du film, , mais que voulez vous : on ne peut pas empêcher qu’il y en a qui comprennent tout de travers : McKee n’est pas misogyne, il a un profond respect pour les femmes et il se plait à les mettre dans des situations extrêmes, comme ce fut le cas pour "May". En tout cas, il a réussi à « pondre » ce superbe pamphlet en seulement 24 jours avec une mise en scène soignée, ponctuée d’une photographie parfois approximative et de fondus enchainés et de superpositions d’images pour souligner l’atmosphère malsaine de certaines séquences. Techniquement, c’est très bon : y’a rien à redire. Côté casting, on a aussi du très lourd : Angella Bettis et Pollyanna McIntosh sont d’une justesse impressionnante, mais c’est bien le personnage du père, magnifiquement interprété par Sean Bridgers, qui envahit littéralement l’écran ! Charmant, misogyne, immoral et violent, il mène sa petite tribu à la baguette : sans aucun doute l’un des plus immondes pourceaux que le cinéma de genre ait connu. Intelligent, sans concession, choquant, "The Woman" est une grande réussite signée par un cinéaste en pleine forme : Lucky McKee revient botter les fesses de l’Amérique bien pensante et puritaine en dressant le portrait bien acide d’une famille de la classe moyenne (ici l'avilissement de la femme, qu’il soit verbal, physique ou mental, est une simple coutume familiale qui se transmet de père en fils !!) Il ne s’agit donc pas d’un spectacle anodin et mérite amplement sa réputation d’œuvre choc : il dérange dans son jusqu’au-boutisme et son politiquement très incorrect ; mais il n’en demeure jamais ambigu quant à son message : une dénonciation pure et dure de la société patriarcale et d’un conservatisme archaïque. "The Woman" est une petite perle mais aussi un choc : un terrible coup de poing dont on ne se relève pas. Vous êtes prévenus !!