"The Woman" est une excellente surprise, avant tout pour une raison historique, me semble-t-il. Pour le comprendre, il faut sans doute le mette en perspective. Tout au long des années 1970, la dureté de ton du cinéma d'horreur va croissant, et le genre revendique une violence inouïe, tant sur le plan visuel que sur le plan discursif. Aussi bien en Italie qu'aux Etats-Unis, le gore sérieux, décomplexé et ouvertement dérangeant culmine avec des monuments tels que "The Last House on the Left" (W. Craven, 1972), "The Texas Chainsaw Massacre" (T. Hooper, 1975), "Suspiria" (D. Argento, 1977), "I Spit On Your Grave" (M. Zarchi, 1978), "Cannibal Holocaust" (R. Deodato, 1979), "Maniac" (W. Lustig, 1980) - avant de se faire plus "rigolard" dans la décennie suivante, chez Raimi et Cunningham par exemple. Comme l'Histoire est cyclique, le cinéma d'horreur rend à nouveau compte, depuis le début des années 2000, d'une volonté de revenir au très choquant, d'aller toujours plus loin dans l'horreur graphique et narrative - mais au prix, souvent, d'une singulière perte d'inspiration : Aja refait le "The Hills Have Eyes" de Craven, Dennis Iliadis le "The Last House On The Left" du même Craven, Steven R. Monroe le "I Spit On Your Grave" de Meir Zarchi... Le plus souvent honorables au demeurant, ces remakes donne l'impression d'un cinéma qui n'est plus capable de produire. Sacrifiant à la mode ambiante du toujours plus sadique, "The Woman" ne se livre pas comme la recopie d'un illustre modèle, et c'est ce qui lui confère une place un peu à part dans la production horrifique contemporaine. Si le film paraît si extrême, c'est que son propos est extrêmement violent. La capture et la "domestication"de cette femme sauvage (incarnée de manière très impressionnante par Pollyanna McIntosh) par un Américain bien sous tout rapport, avocat, mari et père, permet la représentation d'un sadisme secret saignant à blanc l'american way of life. Aussi dégénéré que les parents monstrueux de "People Under The Stairs", dans lequel Wes Craven, en 1992, produisait déjà un schéma comparable, il fait preuve de la plus infâme cruauté tout en se revendiquant bon chrétien. Mais le film va de plus en plus loin dans l'exposition de sa monstruosité, jusqu'au final, très réussi. Au fil du récit, on se prend de sympathie, voire de pitié, pour cette femme enchaînée dans une cave, qu'on confond avec l'ensemble des personnages féminins du film dans un même sentiment de compassion. Sans aller jusqu'à dire que "The Woman" est un film à thèse ouvertement féministe, il est loin d'être misogyne. Il montre au contraire que l'empathie, la compassion et l'humanité sont décidément du côté de la femme, quand l'homme est, par nature, violent, obscène, tyrannique et cruel. C'est finalement l'idée qui domine l'écriture de ce film intelligent, très sanglant sur sa fin, mais qui est appelé à figurer en haute place dans le panthéon des chefs-d'oeuvre de l'horreur.