Le film Australien de l’année 2011 est sans hésitation celui-ci. Oublier le beau Animal Kingdom de David Michod. Les Crimes de Snowtown, le premier film de Justin Kurzel est supérieur encore.
Un paysage filmé à perte de vue, entre ombre et lumière. Un paysage enfantant un cauchemar, celui de toute une vie. La première scène est saisissante. L’atmosphère est dors et déjà installée grâce au sentiment d’infini, de boucle que produit la vision de ce paysage à la fois fantastique, glaçant et artificiel. Le décors est accompagné d’une musique, créée par le frère du réalisateur, qui colle parfaitement aux images et au sujet, elle ne sera jamais utilisée abusivement.
Dans les “bas-fonds” de l’Australie, une mère, Elisabeth (Louise Harris), tente d’élever ses quatre fils dans la pauvreté. Elle passe d’un homme à l’autre et finit par trouver John Bunting (interprété par un acteur inconnu mais superbe Daniel Henshall). Grâce à lui le voisin aux tendances pédophiles qui avait abusé des garçons est chassé. Grâce à lui les gamins trouvent un père. Grâce à lui aussi la famille découvre le Mal.
Le second fils James Vlassakis, joué par Lucas Pittaway, est un gars paumé qui ne parvient pas à se défendre contre les viols de son grand frère Troy (Anthony Groves). Lorsque John arrive, il est peu à peu happé par son apparente joie de vie et son caractère de battant. John s’exhibe lors de réunions où les gens du quartier s’esclaffent contre les pédophiles et les homosexuels. James découvre que pour John et son ami Robert, la haine ne s’arrête pas aux mots.
James vit alors une descente aux enfers au sens propre. Il devient le Mal.
John effectue sur lui une autre forme de viol, celle de sa conscience. John est un pédophile de l’esprit. Il entraîne avec lui le jeune James qui tente de se débattre contre l’horreur et son propre sadisme. Mais en fermant les yeux lorsqu’il est pour la première fois confronté aux atrocités de son beau père, il entre dans une spirale qu’il n’ose pas arrêter. Peu à peu, sous le regard du spectateur impuissant, James devient le complice des meurtriers. Et le spectateur a véritablement envie de hurler et dire “maintenant arrête toi, il est encore temps, tu as 20 ans, va vivre au lieu de tuer” mais pour ce gamin des rues, ce gosse qui ne va pas à l’école, qui n’a pas d’amis, tuer c’est vivre.
Ce film n’est pas l’apologie de la violence, ne la justifie pas mais tente de l’expliquer, ou du moins d’expliquer comment un jeune de 20ans devient un meurtrier. Lors des réunions la population autorise d’une certaine manière les meurtres puisque tout le quartier promet la torture aux pédophiles. John réalise les mots. Il “n’est pas un lâche” et c’est surement comme cela qu’il apparaît aux yeux de James. Un mec qui a des tripes, un leader auquel il veut ressembler. John est son seul modèle. John et James sont les piliers du film. Le premier (la tête du groupe) initie véritablement le second. Son discours permet de relativiser les meurtres qu’il commet “ce sont des déchets” “je le fais pour vous protéger”. Aveuglement James le croit. Car en vérité il ne s’agit pas de meurtres de pédophiles. Il s’agit de pur sadisme sur des “déchets” désignés par John. Parfois James est à la limite de devenir lui même ce que John considère un déchet : prétendue lâcheté, addiction à la drogue… Mais tout comme James est passionné par John celui-ci l’est de James. Il voit en lui son successeur. John est fou, James est malade. Tous deux à la dérive. Et le spectateur ne peut s’empêcher de se demander “pourquoi” “où est l’origine” ? Car si James est embarqué par John, aucune explication n’est donnée pour clarifier le comportement de ce géniteur du mal à la recherche de disciples.
Grâce au jeu du merveilleux Daniel Henshall, John Bunting, qui a réellement existé, n’est plus un Homme mais une substance, une drogue, qui sévit dans une Australie isolée. Il devient Le cauchemar. Celui dont on ne parvient pas à se débarrasser, qui fascine, horrifie, avale…
Le Mal incarné.