LE SANG SANS LE SENS : Film d'une noirceur totale, accaparante en tout point, « Les Crimes de Snowtown » plonge dans un abime et nous y entraine avec lui, refusant les concessions et les euphémismes quelque qu'ils soient. Le film a ses défauts, des longueurs, un réalisme pas toujours facile à accepter et une violence que certains qualifieront de gratuite, certes, et c'est peut être le cas sur quelques scènes mais au-delà ça, et même au-delà du simple fait divers que constitue la base du scénario – c'est à-dire ce tueur en série qui a sévit en Australie entre 1992 et 1999 – le film développe et approche des sujets bien plus profonds et importants qu'un simple fou avide de sang et de meurtre. Les thèmes foisonnent donc ; l'homosexualité, la pédophilie, l'éducation, l'influence des adultes, la transmission des pensées, la reproduction pour parler en terme davantage sociologique et c'est d'ailleurs quelque chose qui marque immédiatement, John Bunting ( le tueur ) a une facilité étonnante à capter l'attention de son auditoire et à les rallier à ses causes plus ou moins directement. Demandez-vous, vous même si, au début du moins, lors de ces premières prises de paroles, vous n'avez pas été tenté de le considérer comme le sauveur de la ville, qui venge les gentils et débarrasse la terre de la vermine, insignifiante. Là est une des forces du déroulement de l'action, le crescendo est lent mais certain, puissant, frappant, saisissant ( choisissez tous les mots en -ant que vous connaissez ) si bien que plus les évènements s'enchainent et s'ajoutent à eux-mêmes, plus l'atmosphère devient pesante, noire et d'un pessimisme latent tout à fait atroce. Cette apparence de 'justicier' du début perd ainsi vite de son attrait et de sa vérité ; nous voici confronter au monstre, là où les limites se dépassent seules, où elles n'existent plus. Arrivent alors la véritable noirceur avec des scènes chocs, crues, choquantes ne faisant en rien l'apologie d'une quelconque violence mais démontrant justement le caractère irrépressible et incontrôlable de celle-ci : tout va trop loin, idée par ailleurs parfaitement servie par la mise en scène, assez 'sale', primitive ( ceci est voulu ), parfait reflet de l'âme humaine et de sa complexité. C'est certainement une authenticité qui est recherchée et le but est atteint. Cependant, à souligner que le film ne s'en cantonne pas à la simple exposition des meurtres d'un tueur en série acharné ; ici aussi la réflexion est poussée bien plus loin que l'on pourrait le penser et le problème de l'éducation ou au moins de l'influence néfaste pour les faibles esprits que les enfants détiennent encore est abordée avec une finesse singulière ; Jamie, tout d'abord accablé par cette violence démesurée, vomissant cela, l'honnissant de toute sa force, se retrouve bientôt dans le vif de l'action, incapable de discerner le bien du mal, le bon du mauvais, le juste de l'injuste, en somme inapte à faire la part des choses, à fonder ses idées sur un mécanisme intérieur construit par lui-même. Le drame empire ainsi et porte, soulève d'autres questions qu'il nous est compliqué d'aborder ici, tout comme il est compliqué de parler de ce « Les Crimes de Snowtown », singulièrement sombre, violent, presque méphitique qu'il faut voir, sans doute, car les mots ici s'heurtent à un obstacle que l'image et les acteurs franchissent avec une relative réussite. Et pour parler des acteurs, la surprise est de taille tant ils sont tous excellent et parviennent à rendre palpable une tension déjà fortement présente du fait de certaines situations étriquées et dangereuses. Au final le seul grand défaut de ce long métrage est sa longueur ; il aurait gagné en efficacité et persuasion avec une bonne vingtaine de minutes en moins.