Qui a dit que les films de pirates étaient finis ? Certainement pas Renny Harlin avec "L’île aux pirates", pourtant en échec commercial synonyme de catastrophe financière qui a précipité la société de production Carolco Pictures dans les profondeurs bien sombres de la faillite. Et encore moins Gore Verbinski, le premier réalisateur de "Pirates des Caraïbes", avec le succès qu’on lui connait. Mais ici, rien à voir avec la piraterie d’antan où le rhum abondait et les joutes verbales nombreuses. Nul n’ignore que les actes de piraterie perdurent encore et toujours, notamment au large de la Somalie. Bon nombre de sujets en la matière ont fait la une des journaux, télévisés ou écrits. Mais celle dont on vient nous parler est particulière. Particulière parce que c’est la première fois depuis le XIXème siècle qu’un navire battant pavillon américain est pris en chasse par les pirates somaliens. Nous sommes le 8 avril 2009, et le bâtiment visé est le porte-conteneurs Maersk Alabama, dirigé par le capitaine Richard Phillips au moment des faits. Le reste, je vous laisse le soin de le découvrir. En revanche, ce que je puis vous assurer, c’est que les faits relatés sont très près de la réalité. Pour preuve, le film était en course pour les Oscars dans la catégorie du meilleur scénario adapté. "Capitaine Phillips" s’appuie donc sur des faits réels, et nous invite à partager l’enfer qu’a connu le rôle-titre et son équipage. La réalisation fait preuve de simplicité, de justesse, sans grand artifice. En découle alors un gros sentiment de crédibilité, sans que ça ne tombe à aucun moment dans le too much. A partir du moment où a lieu la première attaque, il s’installe une tension qui restera constante durant tout le reste du film, avec quelques pics ici et là. Le sujet aura été bien maîtrisé par Paul Greengrass, le célèbre réalisateur de deux des épisodes Jason Bourne, à savoir "La mort dans la peau" et "La vengeance dans la peau". Mais il n’y serait pas arrivé sans LA performance de Tom Hanks. On savait déjà cet acteur doué d’un grand talent, mais alors là… c’est simple, j’en suis encore tout retourné.
Outre la très bonne prestation durant tout le film, c’est cette incroyable aptitude à interpréter l’état de choc dans lequel se trouve son personnage en fin de film. C’est poignant. Que dis-je ? Bouleversant ! Et de le voir ainsi, parler comme un enfant apeuré, nous donne toute la mesure de l’immense impact psychologique.
Une performance digne d’un Oscar, mais il n’a même pas été retenu parmi les nominés. Je crois qu’on peut aussi féliciter les acteurs américano-somaliens, pour avoir saisi l’esprit de la piraterie, notamment Barkhad Abdi dans la peau de Muse dont finalement on ne sait pas trop s’il est très malin ou tout simplement naïf, et Faysal Ahmed dans le rôle de Najee, le pirate le plus déjanté
, véritable chien fou par ses excès d’adrénaline trahis par son comportement proche de l’aliénation avec ses yeux exorbités
. La réalisation est quant à elle soignée, avec une perpétuelle mouvance, véritable marque de fabrique de Paul Greengrass. Il faut préciser qu’il n’a pas eu besoin de forcer l’effet désiré, les trois quarts du tournage s’étant déroulés en mer durant deux mois, tout en s’accommodant des passages étroits du cargo, pas vraiment adapté pour le tournage d’un film. Cela crédibilise encore plus le propos pour atteindre une authenticité rarement égalée. Pour parfaire l’immersion du spectateur dans cette malheureuse aventure, le son a été particulièrement soigné. Ce fut reconnu, puisque le montage du son et son mixage furent eux aussi en course pour l’Oscar. En parlant de montage, excellent lui aussi (et hop, une nomination de plus), il permet de suivre presque en temps réel le calvaire du capitaine Phillips, lequel dura tout de même 4 jours dans les faits réels. Le tout est tellement prenant qu’on en perd le fil du temps, tout repère dans l’espace-temps, et a pour conséquence de faire passer sans ennui les 134 minutes du film, tendues à souhait. Enfin je terminerai par la musique signée Henry Jackman. Elle est discrète, et pourtant elle soutient avec force et renforce carrément les moments de tension. "Capitaine Phillips" est empreint d'une grande humilité et d’un énorme respect envers ce fait divers, et je vous le recommande vivement, ne serait-ce que pour Tom Hanks, impressionnant de talent. C’est simple, il sait tout faire…