Basée sur l’histoire véridique de Ricard Phillips, très documentée, « Capitaine Phillips » est un film extrêmement éprouvant pour les nerfs. Le scénario ne laisse pas vraiment de répit au spectateur, surtout dans sa deuxième partie. Si le sujet est quasiment le même que dans « Hijacking », le film danois de cet été, il est traité très différemment. Mais sans doute que les USA ne traitent pas de la même manière ce genre de problème que le tout petit Danemark ! Sans vouloir trop en dire, le film se décompose un peu en deux parties. En schématisant, la première se déroule sur un gros bateau et on est tout le temps sur le fil du rasoir, la situation peut tourner au drame absolu d’une seconde à l’autre et toute la tension réside dans cette incertitude quasi-permanente. La seconde partie, qui se déroule sur un bateau plus petit, est plus vécue comme une fuite en avant inéluctable vers le drame. Là, on ne se demande plus si c’est va déraper, on sait que çà ne peut que finir par déraper ! Filmé caméra à l’épaule, ça bouge beaucoup, çà crie en anglais, çà crie en dialecte, c’est hyper tendu. De ce point de vue, çà rappelle fortement « Vol 93 » du même Paul Greengrass. La tension inouïe dans le bateau d’une côté contraste avec l’organisation placide et froide du « sauvetage » de l’autre. Car il n’est pas question de laisser les pirates somaliens accoster, pour des raisons très évidentes, le problème doit être réglé en mer, et réglé à la manière américaine, pas besoin de faire un dessin ! C’est d’ailleurs l’objet de la dernière grosse demi-heure, on n’a l’impression que ce « sauvetage » prend un temps indéfini, que l’action tire et tire encore en longueur. Mais c’est parce que c’est éprouvant qu’on voudrait que çà se termine plus vite, parce que c’est mal filmé ou mal scénarisé. Au contraire, il est probable que dans la réalité, ce genre d’opération réclame du temps et des nerfs d’acier, et c’est parce qu’il veut coller à cette réalité là que Greengrass nous plonge au cœur de l’action sur la longueur. Tom Hanks, formidable comme toujours, campe un homme courageux mais terrorisé, et certainement pas un héros. C’est cela aussi qui rends ce film intéressant, la Capitaine Phillips est un homme courageux, mais pas tellement plus qu’un autre, mis dans une situation exceptionnelle il s’accroche à la vie du mieux possible, pas plus, pas moins… Les dernières scènes, où il craque nerveusement, sonnent là encore terriblement justes. Alors, au rayon des petits bémols, on peut regretter une mise en scène des scènes militaires très « Hollywood », une musique un peu envahissante. On peut regretter aussi que le film ne s’attarde pas plus qu’il ne le fait sur les motivations des pirates somaliens. Ils veulent de l’argent, certes, mais dans quel contexte, sous la pression de qui, et que deviennent ces millions gagnés puisqu’ils continuent de vivre dans le dénuement ? Le film pose les questions mais n’y répond pas vraiment. Mais ces défauts ne remettent pas en cause la qualité de « Capitaine Phillips », un film dont vous sortirez un peu sonné, c’est vrai, mais heureux de ne pas avoir fait le mauvais choix au cinéma !